Retour à la maison

Ce billet ne sera pas drôle. Je ne vous raconterai pas les aventures des co-chambreurs du 4676, parce qu’au final, les humains desquels on a envie de rire sont presque toujours vraiment paumés. Je vais les laisser tranquille. J’espère qu’ils guérissent bien et qu’ils sont heureux.

De mon côté, je suis entrée à l’hôpital parce que je faisais de la fièvre. On a donc fait tous les tests possibles pour découvrir une infection, en vain. Sur la fin, alors que je suppliais la résidente de me donner des Immodiumparce que c’est « normal » pour moi d’avoir la diarrhée, l’infectiologue est débarquée avec un soupçon de c. difficile et une isolation. Pas dans une pièce à part, dans mon rideau, avec la mission de produire un échantillon de selles sans pipi (pas facile).

J’ai passé mon TEP Scan le mercredi matin (il y a deux semaines). Mathieu est venu passer l’après-midi avec moi pour être là lorsque l’oncologue allait passer. Il est passé en fin de journée, il avait perdu de son optimisme habituel. Les masses qui étaient dans les ganglions et dans les poumons avaient diminué, mais celles dans le foie et dans les os avaient augmenté.

Il a dès lors annoncé qu’on arrêtait le traitement en cours, pour en essayer un autre, dès le lendemain. Ce fut un choc puisqu’on avait tous un bon espoir dans le premier traitement. Le second m’apparait comme moins garant d’efficacité. Les seules bonnes nouvelles sont qu’il donne moins d’effets secondaires, qu’il ne nécessite pas de médication complémentaire (souvent source d’effets désagréables) et qu’il ne fait pas tomber les cheveux.

Dès qu’on a levé l’isolation, j’ai pu retourner à la maison. La conclusion étant que la fièvre est liée à la maladie elle-même. C’est assez intense et difficile à gérer. Mais ce qui m’handicape le plus c’est le manque d’énergie. Avoir à m’asseoir pour reprendre mon souffle après avoir descendu les escaliers, c’est traumatisant.

Je sais très bien qu’il faut rester positif et laisser la chance au traitement de fonctionner. Mais il ne faut pas dénier les faits non plus. Hier, je me suis tâtée une masse épeurante dans l’abdomen. Mon état général est si mauvais que je ne vois pas comment quelques molécules pourraient venir à bout de de toutes ces cellules maléfiques qui se multiplient en moi.

Bref, la fin s’en vient. C’est ça qui est ça. Y’a pas d’autre manière de le dire. J’aimerais ça que tu l’acceptes, que tu ne m’envoies pas de recette miracle pour guérir et que tu comprennes que je ne peux pas répondre à tes Messenger.

Réapprendre à marcher

Aujourd’hui, j’ai entendu l’électricité circuler dans mes neurones. Ceci dit, je l’avais bien cherché. J’ai effectivement choisi cette magnifique journée d’hiver enneigé pour exercer mon droit de consommer du cannabis en toute légalité. Je crois ne pas m’être sentie aussi bien, énergisée, que depuis le référendum de quatre-vingt-quinze. Mis à part les quelques secondes au plancher, bien évidemment.

Rassurez-vous mestantes, je ne finirai pas mes jours dans la polytoxicomanie, quoique les cocktails de chimio se qualifient un peu. Mais vous dire l’effet thérapeutique que ça m’a procuré… En passant chercher son souper, mon skieur chéri m’a demandé si je faisais de la poudre lorsque je fume. Ha ha. Non, je ne CatherineDorionerai pas mon billet avec des analogies hautement nichées, mais bon, disons que je vire la maison à l’envers, je danse, je peint et je range comme une damnée.

Effets secondaires, donc. Que j’apprécie davantage que l’insomnie du cachet anti-nausées et du coma dans lequel celui-ci me plonge inévitablement pendant quatre belles journées d’hiver.

Si la tendance se maintient, je crois pouvoir skier cet hiver. Espérons que la neige tiendra le coup jusqu’à mon prochain «break». Toute à l’heure, j’ai réussi à marcher la rive nord du Réservoir des Nations, du barrage Paton jusqu’à Vimy avec montée d’Ontario. À la vitesse Wauthier, c’est-à-dire en acceptant de me faire doubler par des marcheurs du troisième âge. On est loin du marathon, mail il y a de l’espoir [Beau petit mot fleur bleue, Lazure!].

Malheureusement, il faut bien devenir sérieux à un moment donné et songer à la fin. À qu’est-ce qu’on veut absolument réaliser, vivre, léguer. Cesser de vouloir plaire aux autres et prendre en charge le scénario. Sachez que ma procrastination n’est pas mue par le déni, mais par mon besoin d’atteindre un certain niveau de bien-être, aussi artificiel soit-il. J’espère donc optimiser mes prochains jours-semaines-mois pour maximiser mon degré de bonheur. Je vous souhaite tous le même défi pour la nouvelle année, bisous.

p.s.      J’ai d’abord rédigé mon billet sur papier, ouch.

Aphonie

Samedi dernier, soir de partys de bureau, je suis restée à la maison avec un début de rhume. Le lendemain fût une démonstration parfaite de mon analogie du lendemain de brosse. Moi, amochée par le traitement et Mathieu, amoché par l’alcool. Même combat. Fils de cinq ans abandonné à son monde imaginaire.

Le rhume a été particulièrement intense. Aucun signe de fièvre, ceci dit, mais un mal de gorge et les sécrétions qui vont avec. Avec les saignements de nez, ça n’a pas été simple à gérer. Et les appels téléphoniques d’une voix d’ado qui mue, épiques. J’ai bien essayé d’utiliser les rudiments de langage des signes que je connais pour communiquer avec le fils, sans trop de succès. Bref, une extinction de voix, aucun dix-roue cette fois.

J’ai évidemment une théorie à cinq cennes pour expliquer à quel point je l’ai eu facile pour ce deuxième traitement. D’abord, le degré de stress qui a précédé le premier n’a pas dû aider. Le changement de médication pour éclaircir le sang (probablement à l’origine des douleurs intenses relatées dans mon billet précédent) a aussi changé ma vie. La magie ultime, je l’attribue au fait que mon poids n’avait pas été ajusté dans mon dossier et que ma dose était peut-être trop forte lors du premier traitement. Ça vaut cinq cennes, mais ça me suffit.

Ça augure bien pour le temps des fêtes et pour la suite, donc. Je ne suis pas en forme au point de jogger (par une nuit d’insomnie, je me suis prise à rêvasser de combien ce serait chouette d’aller courir), mais je ne devrais pas vous dormir dans la face à l’heure du souper. Mon équilibre lecture/visionnement de séries de qualité douteuse est aussi rétabli. Bref, le moral est bon.

p.s. Si jamais l’opération estampillage de patates vous intéresse, sachez que ça n’a pas été de la tarte et que j’ai dû sortir mon  « kit » des années quatre-vingt avec une vitre et un rouleau. Et que le fils n’a pas tant participé/trippé. Sincèrement, la sculpture des patates était trippante, si on oublie que j’ai contaminé le compost et pollué l’eau.

Bonapace

Après avoir pleuré, hurlé, poussé pendant douze heures pour accoucher d’un enfant, tu te dis inévitablement « on recommence? ». Le cerveau humain a ceci de merveilleux qu’il nous permet d’oublier complètement l’intensité de la douleur. Enfin, le mien est comme ça. Une sacrée chance parce que sinon j’abandonnerais la chimio derechef.

C’est vrai que j’ai oublié comment c’était il y a trois ans. Mais c’est aussi vrai que c’est plus difficile cette fois-ci. Ça m’a pris un bon dix jours à fonctionner un minimum. Et comme un seul traitement n’aura pas suffi à détruire l’ennemi qui habite mes poumons : je rushe ma vie à marcher un kilomètre. En plus des effets secondaires habituels, j’ai des épisodes de douleur intense et je fais des crises de panique pour un rien.

Hier, je suis allée voir un spectacle de cirque avec mes amies. Je suis partie de là en pleurant comme une madeleine. Certes, le spectacle était un peu mélancolique, mais mes larmes émanaient plutôt d’une boule de panique. Pour moi, maximiser les moments passés ensemble, ça mets inévitablement l’accent sur le fait qu’on a un temps limité pour le faire. Ça me rappelle que je n’irai plus jamais à la Tohu avec mon fils. J’appréhendais aussi le retour à Sherbrooke. La possibilité que l’épisode de douleur intense se passe dans la voiture.

Évidemment qu’on m’a prescrit un opioïde pour soulager la douleur. Lorsque je me suis couchée, mon chéri m’a dit « sois à l’affût, n’attends pas que la douleur soit intense pour prendre une pilule». Mais il n’y a pas de signe, d’avertissement. Et parce que j’ai une peur bleue de développer une dépendance à ces petits cachets, j’en ai pris une demi. Une heure plus tard, l’heure que ça prend pour faire effet, la douleur était toujours plutôt intense. Bref, on a passé une belle soirée…

Tout ça à quatre jours de mon prochain traitement. Ça m’angoisse énormément. Bref, c’est pour tout ça que je ne réponds pas aux messages, que je ne donne pas les nouvelles que je devrais donner, ni les remerciements qui s’imposent. Je trouve l’épreuve particulièrement difficile cette fois-ci.

Malaise vagal

Il a déjà été établi que j’ai une mémoire éminemment sélective, mais il m’est impossible d’oublier que je suis sujette à des malaises vagaux, pour un oui, pour un non. Or, depuis les quelques dix mois que je fréquente activement les établissements de santé, je dois dire que j’ai été plutôt bonne.

Il y a bien eu les mammographies et la pose du harpon, auxquelles je n’ai pas réussi à «survivre». Mais, on me pique tellement souvent que j’en suis venue à être désensibilisée, j’imagine. J’avais tellement hâte de sortir de l’hôpital, l’autre jour, que mon cerveau n’a même pas noté que l’auto-injection d’antibiotiques trois fois par jour pendant deux semaines pourrait être un défi en soi.

Les premières injections ont assez bien été, quoique mon cœur battait la chamade. J’étais surtout ébranlée d’avoir à me lever à 5h30 et à me coucher à 22h30. À l’image de la femme enceinte à qui on annonce que les nuits de mille pipis la prépare aux nuits du nourrisson, on dirait que mon infection allait me préparer à retourner au boulot.

Lorsque, après quatre jour, une infirmière à déplacé mon cathéter, ça s’est corsé un peu. Arrivé le moment de mon injection, j’ai senti une brûlure dans mon bras, j’ai tout de suite appelé le numéro d’urgence. «Madame, vous allez devoir arrêter de me crier après» furent les paroles de mon interlocutrice, ça vous donne une idée de l’état de panique dans lequel j’étais.

Arrivée au CLSC, j’avais tellement pleuré qu’on me traitait vraiment comme une folle finie qui pense qu’elle va mourir à cause du microbulle dans sa tubulure… Comme on ne peut me piquer que dans le bras gauche, mastectomie et ablation des ganglions oblige, et que j’ai été piquée plus souvent qu’à mon tour dans les derniers jours, ça a été assez compliqué.

Faire du vélo avec une aiguille dans la main, c’est pas top intelligent. Je l’ai fait quand même, voulant à tout prix battre des records de transport actif vers l’hostile CHUS. Au fait, j’en suis à 83% vélo, pour votre info.

Dans la dernière semaine, mes chéris ont été malades. Puis, vendredi, ça m’a frappé à mon tour. Mal de gorge, malaises musculaires, fièvre, toux, je suis mal en point. J’imagine qu’on goûte aux joies du CPE. Donc, avec un mélange d’hypocondrie et de fatigue, ce matin, après mon injection d’antibiotique, je me suis claquée un beau malaise vagal de compétition.

Demain, on va m’enlever le cathéter, je vais pouvoir prendre une douche, fiou! Et si les astres s’alignent comme il faut, il se pourrait que j’aie mon dernier traitement de radiothérapie samedi, je vais pouvoir me frotter partout partout pour enlever les multiples lignes qui ornent mon torse (et les draps). Il ne restera ensuite que l’histoire du nouveau port-à-cath à régler.

U-turn

Quelques minutes après avoir intégré ma chambre d’hôpital, la semaine passée, mon voisin de chambre est arrivé en chaise roulante, d’un autre étage. La dame qui l’accompagnait lui a souhaité bienvenue dans son nouveau chez lui, ça lui a donné envie de partir vers son vrai chez lui.

Pendant un bon deux heures, j’ai donc été témoin de la fuite du patient voisin. Il a d’abord appelé «Joe? Êtes-vous la femme de Joe?», puis sa femme, ses filles, tous ses amis. Personne ne voulait venir le chercher. Le résident qu’on a envoyé pour le convaincre de rester a lamentablement échoué. Il est parti en taxi, vers 22h.

Le lendemain matin, il revenait avec sa femme, scandant «douleur! douleur!», ayant perdu sa patch d’anti-douleur pendant la nuit. Il a été soulagé, a dormi et ronflé toute la journée et toute la nuit.

Pendant ce temps, je faisais presque plus de fièvre mais j’avais la diarrhée. On m’a isolée (avec des rideaux) le temps de déterminer si j’étais porteuse de la bactérie clostridium difficile. J’étais confinée à mon lit, impossible de me rendre à la salle de bain malgré la diarrhée. Je vous épargne les détails mais disons que c’est pas tout le personnel qui acceptait volontiers de me donner du savon pour que je me lave les mains…

À son réveil, mon voisin s’est mis à appeler «café! Café! Où est donc le petit café?». J’ai vu ses jambes nues sous mon rideau, puis sa tête et son torse, nu itou, se sont pointées dans mon rideau. J’ai sonné pour qu’on s’occupe de lui. Lorsqu’il a compris qu’il n’aurait pas sa gorgée de café avant une bonne heure, il s’est habillé et a entrepris de repartir chez lui. Le personnel a tellement rushé pour le garder qu’il a été décidé qu’un préposé le surveillerait constamment.

Évidemment, il n’y avait rien à surveiller pantoute. Une fois sa douleur apaisée, mon voisin ne faisait que ronfler. Il était très confus, c’est vrai, mais complètement inoffensif. Il aura tout de même fallu une médecin remplie d’empathie, pour expliquer à mon voisin et à sa femme, la raison de sa présence au septième étage : le retour du cancer, celui dont on ne peut malheureusement pas se débarrasser.

Il m’aura fallu à moi-aussi, cette explication du médecin pour comprendre, pour faire preuve d’un minimum d’empathie envers mon voisin. J’ai tout de même été heureuse d’avoir un petit break, alors qu’il est sorti quelques heures pour aller manger à la maison. On venait de lever mon isolation, puis j’ai reçu la visite de mes deux amours.

À ma dernière journée d’hospitalisation, je suis devenue mon voisin. Je n’avais pas dormi de la nuit, je n’avais plus de fièvre, plus de diarrhée, je voulais m’en aller. À mon tour d’attendre quatre heures pour voir le médecin passer et tenter de le convaincre de me libérer. J’ai pu marcher jusqu’à l’étage du dessous pour qu’on m’enseigne à m’injecter des antibiotiques mais on m’a refusé la marche pour aller à mon traitement de radiothérapie.

J’étais furibonde. J’avais envie de pédaler, voire de courir, pis j’étais confinée à une chaise roulante pour me rendre à l’endroit que je connais le plus de l’hôpital : «c’est la procédure». J’ai réussi à convaincre la radio-oncologue de me laisser conduire ma propre chaise roulante entre son bureau et la salle d’attente pour le traitement. Arrivée là, j’ai fait le clown mais je rushais un peu à pousser la chaise vide. Un homme m’a dit «attention, je ne suis pas sûr que vous ayez le droit de faire des U-turn».

Après une semaine, j’ai un peu oublié où je voulais en venir avec ça. Je crois que je voulais écrire que ma cohabitation forcée avec une personne âgée très malade m’a ouvert l’esprit, assez pour me faire faire un virage.

Mauvais oeil

Je ne sais pas si tu connais cette expression « attirer le mauvais œil ». Mon amoureux, lui, me la sort souvent. Quand j’annonce « wow, il va donc ben faire beau pendant tes vacances », par exemple.

Dans mon dernier billet, j’étais fru contre la fille des assurances et je quantifiais mes heures passées à l’hôpital pour la semaine. Alors que la semaine n’étais pas finie. Pis là, on s’obstinera pas sur le jour où débute la semaine, c’est pas ça le sujet.

Alors la fameuse bosse pu trop inquiétante, la chirurgienne l’a ponctionnée vendredi, après avoir dit que la ponction posait un risque d’infection. 3 ml d’un liquide de couleur pas trop inquiétante se sont dirigés vers le labo pour analyse.

J’ai poursuivi ma journée « marathon de transport à vélo » jusqu’à en être pas mal brûlée. Samedi matin, je me suis réveillée avec un mal partout du maudit. Me suis couchée par terre sur mon tapis de yoga pour faire la posture du mort, fiston quasiment assis sur ma face.

Ce dernier a ensuite passé une matinée d’enfer, collé sur sa mère. On lui a donné du Tempra et il est allé à Bouffe ton centro avec son père pendant que je frissonnais sous ma couette.

Vers 14h, fièvre plus potentiel d’infection m’ont fait un peu paniquer et je suis allée à l’urgence. Prise de sang, observation de ma fièvre et attente interminable ont composé ce qui aurait dû être mon jour de congé d’hôpital.

Mais le mauvais œil n’avait pas fini de frapper! Dimanche, on m’a rappelée parce qu’il y avait des bactéries dans mon sang. J’ai donc passé la journée à attendre à l’urgence, fiévreuse, puis on m’a monté à l’étage.

Là je suis crissement à jeun, on vient de me faire une écho cardiaque par l’oesophage (j’te dis pas comment c’est le fun), on va m’enlever mon port-à-cath tantôt.


Je pourrais écrire tout un billet sur mon voisin de chambre, mais ce serait méchant et la batterie de mon téléphone. Quoi qu’il en soit, je promets ne plus jamais bitcher la fille des assurances… (et m’épiler les sourcils, yish!)

Vacances

Chère madame des assurances,

Lundi, quand tu m’as appelée, j’étais pas mal relax. Je revenais d’un périple de deux jours au Vermont en Westfalia avec mes hommes. À deux pas de chez nous, certes, mais ce fût toute une aventure. Je ne sais pas si tu sais combien c’est de l’action un garçon de deux ans, j’ai le sentiment que tu n’as pas cette maturité.

À tes questions, j’ai donc été bien honnête : oui, ça va généralement assez bien, je ne suis pas trop affectée par mes traitements de radiothérapie et oui, je fais la grosse vie de ménagère qui regarde des téléromans en faisant la vaisselle. Je ne t’ai pas parlé de mon entraînement de course, ni de mes sorties de «vrai» vélo. Parce que de toutes manières, j’ai déjà une blessure au pied et je peine à faire 150 km de vélo en quatre semaines…

Je ne t’ai pas parlé de transport actif non plus, parce que, quand je t’ai dit que je ne me sentais pas prête à travailler à temps plein, parce que je ne me sens pas en pleine possession de ma santé mentale, tu m’as dit que ça arrive à tout le monde des épisodes dépressifs, que c’est pas une raison suffisante pour ne pas travailler. Alors j’ai compris que ton travail c’est de me couper mes prestations pis qu’un moteur Bionx, t’es trop bouchée pour comprendre que ça monte les côtes à ta place.

Je vais te raconter les jours qui ont suivi ton appel, juste pour que tu essaies de m’imaginer, dans mon bureau, couchée en petite boule.

Déjà, le jour même, ton appel avait semé en moi une petite graine de panique. Lors de mon traitement de l’après-midi, ma technologue fétiche m’a sorti un «vous êtes un peu rouge là, vous savez qu’il ne faut pas vous exposer au soleil? (avec un peu plus d’exclamation que d’interrogation) On vous traite jusque là, tsé» (Je te laisse deviner où c’est «là» pis je te «dare» de passer l’été habillée jusqu’au cou pis avec des manches).

Mardi, j’avais rendez-vous avec mon oncologue. J’y suis allée en voiture, parce que ma batterie ne me permets pas deux voyages à la garderie plus deux voyages au CHUS. Je me suis préparée mentalement à dire gentiment que j’haïs les résidents… et j’ai espéré ne pas en rencontrer un, surtout parce que j’aime bien mon oncologue, c’est un cycliste, il est sympa.

Il était un peu en retard, et par conséquent pressé, mais lorsque je lui ai parlé de la lourdeur que je ressens à la poitrine depuis quelques jours et de la bosse qui est apparue sous mon aisselle, il a pris un air grave. Je ne sais pas si tu sais de quoi ça a l’air, un médecin sympa qui prend un air grave mais c’est plutôt inquiétant. Il a commandé deux examens, m’a dit de les faire dans la journée et de revenir le voir après.

J’ai eu un rendez-vous pour une scintigraphie le jour même, un peu en même temps que mon traitement de radiothérapie. J’ai respiré de la radioactivité, on m’a photographié les poumons. J’ai gardé les yeux fermés parce que j’avais un de ces mal de têtes de trois jours. Arrivée en retard à mon traitement, le stress s’est emparé de moi, je me suis mise à pleurer.

Résultat? J’étais apparemment tellement crispée que je n’arrivais pas à reproduire ma position habituelle. Le traitement a pris trois fois plus de temps que prévu, j’ai mis tout le monde en retard d’une heure. Au total, j’aurai passé environ trois heures à l’hôpital, plus une bonne heure de transport.

Mercredi, mon niveau de stress était à son comble, parce que les poumons, c’était pas si stressant que ça à côté de la bosse. Par chance, mon chéri m’a accompagnée à mon échographie, où on a déterminé que le contenu de la bosse est essentiellement liquide donc pas très inquiétant. L’oncologue nous a rassuré mais m’a demandé de prendre rendez-vous avec la chirurgienne pour vérifier ça. Puis, je suis allée à mon traitement de radiothérapie.

Même si le stress avait baissé, les technologues m’ont replacée trois fois puis m’ont barbouillée tout le torse. J’ai bien hâte de voir aujourd’hui si ça va aller plus vite. J’ai passé trois heures à l’hôpital hier. Aujourd’hui et demain, je n’ai pas d’autres rendez-vous que mes traitements de radiothérapie, ça devrait porter le total de la semaine à environ douze heures. Peux-tu comprendre que travailler quarante heures en plus de ça, je ne vois pas comment ce serait possible?

Ce que je ne t’ai pas dit, non plus, c’est que mon fils vient d’intégrer un nouveau milieu de garde. Ça va être génial, mais en attendant, c’est plutôt galère. Les crises, les nuits chamboulées, etc. On essaie de garder une petite routine d’optimisation du temps de qualité en passant un peu de temps au parc, au retour du CPE. Hier, je suis allée le chercher avec notre nouveau bolide : un vélo-cargo sans assistance électrique. J’ai choisi ça parce que je pense que ça va me garder plus en forme. Mon chéri et son ancien patron de chez Bionx ont pris des paris, je crois, parce qu’ils ne me croient pas capable de faire la transition.

Ils ont probablement raison mais j’ai une sale tête de cochon, tsé. Mais sur le court trajet qui relie la maison au CPE, hier, j’ai sué comme un cochon, justement. Et arrivée dans la côte Vimy, celle qu’un cycliste débutant redoute presque autant que la côte Acadie, le dérailleur s’est emballé et s’est cassé.

Tu sais quoi, madame des assurances? Même si j’ai investi toutes mes économies dans ce nouveau véhicule et que je l’ai attendu pendant des jours en le suivant à travers l’Amérique, je n’ai pas pleuré. Je suis restée calme, j’ai assis mon fils sur le trottoir et attendu les secours. Je vais le réparer et recommencer.

Je tiens à te raconter tout ça parce que j’ai l’impression que tu crois que je suis en vacances, parce que j’ai le temps de faire les tâches ménagères de jour, pour passer du temps de qualité avec mon fils le soir. Mais j’aimerais juste te rappeler que le combat n’est pas encore terminé pis que tant que la bête n’est pas éradiquée, les sources de «stress démesuré» guettent, pis que non, c’est pas quelque chose qui arrive à tout le monde de temps en temps.

J’espère que tu as passé de belles vacances,

Prestataire Lussier

Le jour de la marmotte

Je savais qu’aller au CHUS en vélo était à contre-courant mais hier, j’ai littéralement pédalé à contre-courant dans la côte Terrill dont les trous d’homme peinaient à avaler les eaux de l’averse. J’avais de l’eau à mi-mollet, je pédalais de toutes mes forces et je riais à m’en briser une côte.

Ma journée avait tout de même débutée en lion, par l’arrivée de mon nouveau véhicule californien. Nenon, ce n’est pas une Tesla mais un vélo cargo vraiment trippant, j’aurai l’occasion de vous en reparler, c’est certain! Bref, une belle journée spéciale pour briser la monotonie du toujours pareil.

Chaque jour, j’attends que ma marmotte junior se lève. Après la routine du matin qui comprend le transport à la garderie en vélo, je fais quelques tâches ménagères. Je dîne ensuite en compagnie de mon grand ami Netflix, je fais quelques dizaines de Sudoku puis j’enfourche ma bécane pour me rendre à Fleurimont.

Petit aparté «leçon de vie» : tu peux rouler des yeux tant que tu veux lorsque mon père nous casse les oreilles avec les fusions municipales, mais si tu vas à Fleurimont, fille, tchecke pas la météo de Sherby, tsé.

Vingt minutes plus tard, j’emprunte un corridor louche du sous-sol de l’hôpital pour me rendre à la salle d’attente entendre des vieux jouer à «qui combat mieux le cancer» sur fond de LCN. Mon tour arrive assez rapidement, je me change, on m’accueille dans la salle de radiothérapie d’un «ah, vous êtes venue en vélo!?!» prévisible.

Le traitement comme tel débute par l’alignement. Allez savoir pourquoi, j’ai des marques au crayon feutre (c’est chic, pas se frotter le nombril pendant un mois, tsé), comme si les tatouages avaient été faits pour rien… Ensuite, ma job c’est d’être immobile pendant une dizaine de minutes, pendant lesquelles j’essaie de respirer du ventre pour ne pas trop bouger la poitrine, parce que je trouve ça donc ben imprécis leur affaire.

Ma préférée me demande tout le temps si ça a bien été. Elle ne sait pas que je suis bête pis que je lui répond, dans ma tête, toutes sortes de niaiseries, parce qu’il ne se passe strictement rien, comment ça pourrait mal aller? Mais je suis polie timide, je reste muette, je dis à demain pis je m’en vais.

À ma sortie de l’hôpital, je pense aux milliers d’humains qui fréquentent quotidiennement le CHUS, à toutes ces voitures, pis je pleure de ne voir que quelques bécanes sur le rack à vélo (six, c’est le plus que j’ai vu à date). Je m’en retourne ensuite essayer de mourir d’autre chose que du cancer, à savoir, d’un accident de vélo (ceci est une blague).

La routine du soir terminée, je m’endors en rêvant à une autre journée palpitante… Ceci dit, avec le tiers des traitements de radiothérapie de faits, une note de 9/10 sur le transport actif pour m’y rendre et mon voyage en Westfalia qui s’en vient, je suis en pleine forme. J’espère que tout va bien de votre côté!

Phonèmes

Il y a quelques semaines, à mon traitement de Perjeta, j’ai croisé Rachel, mon ancienne rédactrice en chef du temps où j’écrivais une chronique dans le canard Orferois. C’est elle qui m’a recrutée et qui a eu la patience, mois après mois, de recevoir mes textes après la date de tombée.

Maintenant que j’écris librement sur la toile, je ne suis aucun plan, aucune date de tombée, mais je peux vous dire que ça me titille de laisser mes quelques lecteurs assidus en plan aussi longtemps, sous prétexte que je suis «très occupée».

En vrac, j’ai emmené fiston cueillir des fraises avec mes parents (et le fantôme de ma mère-grand qui passait littéralement ses temps libres de juillet dans le champ de fraises), puis en camping et à la plage. Nous avons aussi visité son futur CPE.

Oui oui, tout de suite après avoir rencontré l’orthophoniste (et avoir badtrippé un peu), je me suis bottée le derrière et j’ai ajouté son nom sur la liste pour des CPE sortant de mon rayon «près de la maison». Le lendemain, pouf!, nous avons eu une place juste à côté de mon bureau.

Quel rapport avec le cancer, vous dites? J’aimerais vous dire qu’il n’y en a aucun mais au fond de moi même, je crois que le stress lié à la surdité a joué un rôle déclencheur dans le développement fulgurant de la bête. Enfin, à chacun ses croyances n’est-ce pas?

Toujours est-il que j’essaie de ne pas faire gagner le stress du retard de langage. Et non, les mots d’encouragements ne m’encouragent vraiment pas. Parce qu’il est marqué, son retard, et que ça sera un long combat.

Le mien, de combat, bat son plein. Mon passage en physiothérapie a été très bénéfique. Bien sûr, j’ai retrouvé la mobilité de mon épaule (pas encore parfaitement mais presque), mais discuter système lymphatique avec ma physio a été quasi thérapeutique pour ma santé psychologique.

J’ai donc commencé la radiothérapie vendredi dernier, sans aucune difficulté à me tenir immobile avec les bras sur la tête. C’est juste assez long pour cogner des clous et se perdre dans ses réflexions. Se rendre à l’hôpital à tous les jours à la même heure comprend aussi un risque de rendre fou…

Et comme si je n’étais pas assez folle d’avance, je capote parce que mon père m’a donné un lift hier et que je ne pourrai pas me vanter d’être allée à mes vingt-neuf traitements en vélo. Après ça on soupçonne mon fils d’être un peu zinzin, sous prétexte qu’il parle un langage qui lui est propre, rempli de phonèmes n’appartenant pas à la langue française, pfft!

Billet d'humeur