Retour à la maison

Ce billet ne sera pas drôle. Je ne vous raconterai pas les aventures des co-chambreurs du 4676, parce qu’au final, les humains desquels on a envie de rire sont presque toujours vraiment paumés. Je vais les laisser tranquille. J’espère qu’ils guérissent bien et qu’ils sont heureux.

De mon côté, je suis entrée à l’hôpital parce que je faisais de la fièvre. On a donc fait tous les tests possibles pour découvrir une infection, en vain. Sur la fin, alors que je suppliais la résidente de me donner des Immodiumparce que c’est « normal » pour moi d’avoir la diarrhée, l’infectiologue est débarquée avec un soupçon de c. difficile et une isolation. Pas dans une pièce à part, dans mon rideau, avec la mission de produire un échantillon de selles sans pipi (pas facile).

J’ai passé mon TEP Scan le mercredi matin (il y a deux semaines). Mathieu est venu passer l’après-midi avec moi pour être là lorsque l’oncologue allait passer. Il est passé en fin de journée, il avait perdu de son optimisme habituel. Les masses qui étaient dans les ganglions et dans les poumons avaient diminué, mais celles dans le foie et dans les os avaient augmenté.

Il a dès lors annoncé qu’on arrêtait le traitement en cours, pour en essayer un autre, dès le lendemain. Ce fut un choc puisqu’on avait tous un bon espoir dans le premier traitement. Le second m’apparait comme moins garant d’efficacité. Les seules bonnes nouvelles sont qu’il donne moins d’effets secondaires, qu’il ne nécessite pas de médication complémentaire (souvent source d’effets désagréables) et qu’il ne fait pas tomber les cheveux.

Dès qu’on a levé l’isolation, j’ai pu retourner à la maison. La conclusion étant que la fièvre est liée à la maladie elle-même. C’est assez intense et difficile à gérer. Mais ce qui m’handicape le plus c’est le manque d’énergie. Avoir à m’asseoir pour reprendre mon souffle après avoir descendu les escaliers, c’est traumatisant.

Je sais très bien qu’il faut rester positif et laisser la chance au traitement de fonctionner. Mais il ne faut pas dénier les faits non plus. Hier, je me suis tâtée une masse épeurante dans l’abdomen. Mon état général est si mauvais que je ne vois pas comment quelques molécules pourraient venir à bout de de toutes ces cellules maléfiques qui se multiplient en moi.

Bref, la fin s’en vient. C’est ça qui est ça. Y’a pas d’autre manière de le dire. J’aimerais ça que tu l’acceptes, que tu ne m’envoies pas de recette miracle pour guérir et que tu comprennes que je ne peux pas répondre à tes Messenger.

L’année du cochon

L’une des instructions claires lorsque tu es sous chimiothérapie, c’est qu’au moindre signe de fièvre, tu te rends à l’urgence. La dernière fois que j’ai suivi cette instruction à la lettre, je me suis ramassée en isolement, avec ma diarrhée de chimio et on m’a retiré mon port-à-cath.

Alors le mois dernier, lorsque j’ai vécu des épisodes de fièvre, je les ai laissés passer, à cause de cette peur bleue de ne plus avoir de port-à-cath: la tête de cochon a gagné sur les instructions. Mon oncologue m’a quelque peu réprimandée.

Au cycle de traitement suivant, les épisodes, qui se manifestent le soir seulement, se sont multipliés et ma température corporelle a augmentée. Je me suis donc dirigée à l’urgence, à reculons, et l’aventure a commencé.

On a cherché en vain une infection, puis on m’a montée passer un examen. Arrivée là-bas, j’ai eu la surprise de me retrouver à l’endroit où on m’a injecté de l’iode à côté de la veine en novembre. S’en est suivi une belle crise de panique et une réticence majeure à l’installation d’un cathéter. Je l’ai fait, ça a brûlé, sans toutefois passer à côté. 

En pleine nuit, on m’a transférée de l’urgence à l’étage, sans trop me demander mon avis. Depuis, je suis dans une chambre à quatre sous antibiotiques en prévention. Aucun examen n’est prévu, on me dit six fois par jour que ma pression est basse et je déprime.

Hier, j’ai essayé de négocier une sortie. On a enlevé mon antibiotique, j’ai fait de la fièvre sans bon sens, échec de la tentative d’évasion. Je suis donc condamnée à rester ici écouter mes cochambreurs vomir et se plaindre.

Même s’il ne lit pas mon blogue, mon chum est toujours sur mon dos lorsque je « mange mon prochain » alors vous n’aurez pas la chance de lire les péripéties des Lavigueur de Granby (le fils cherche le meilleur spot pour se faire tatouer la face de son gars: pas trop près des totons c’est de là qu’il engraisse) et du carencé affectif cassé de Stanstead (il a passé pas moins de huit appels entre 7h30 et 9h30, pour raconter sa nuit et emprunter du cash). Dommage, ce sont de très beaux personnages.

Je n’ai pas demandé de chambre semi-privée d’abord parce que je crayons mon séjour temporaire. Maintenant que j’ai l’impression que je vais passer le restant de ma vie ici j’hésite un peu. Voilà, j’entame ma quatrième journée d’hospitalisation et j’ai déjà presque perdu la boule. Mais je mange tout ce qu’on me donne, comme un cochon.