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Mi-parcours effectué

La veille de ma chirurgie, alors que mon chéri était parti pour une centaine de kilomètres de vélo, junior a été pris d’une terrifiante diarrhée. On a donc décidé de ne pas l’envoyer à la garderie le lendemain. Mon père l’a donc emmené chez lui, après m’avoir laissée en chirurgie d’un jour et d’avoir apporté mes effets personnels.

J’ai passé près de trois heures toute seule sur une chaise droite, à me geler les pieds sur le plancher de l’hôpital en écoutant les infirmières répéter ad nauséam les instructions d’usage pour les (innombrables) opérés de la cataracte. J’ai somnolé en essayant d’oublier à quel point j’avais faim et en espérant très fort ne pas être prise de diarrhée sur la table d’opération.

La procédure s’est bien déroulée et la chirurgienne s’est faite rassurante concernant ma réhabilitation. En fait, la résidente qui avait réussi à me faire paniquer et croire que je ne pourrais pas faire de vélo de l’été, en me dirigeant tout droit en physiothérapie a des croûtes à manger, quelle surprise!

Je ressors de l’opération avec une cicatrice un peu plus grande que précédemment et un impressionnant drain temporaire (un tube et une poire) destiné à éviter que les vides laissés par le retrait des ganglions ne se remplissent de liquide. C’est assez répugnant, pour quiconque n’étant pas à l’aise avec les fluides corporels.

Mon séjour à l’hôpital s’est bien déroulé. Les travailleurs de la santé sont vraiment des gens dévoués. À travers les malcommodes qui arrachent leur soluté et les princesses qui hurlent les doses de médicaments qu’elles estiment avoir besoin, ils arrivent à faire un travail correct. J’avais cependant hâte de quitter l’établissement.

Quelques minutes après qu’on m’ait enlevé mon soluté, la diarrhée s’est manifestée de manière fulgurante. Je suis maintenant malade depuis quarante-huit heures : c’est pas la grosse joie et ça ne facilite pas la récupération.

Avant la chirurgie, j’ai fait le plein à la bibliothèque et le premier livre que j’ai lu était le dernier de la série «cancer» que j’avais sur ma liste. Chronique d’un cancer ordinaire de Dominique Demers est particulièrement intéressant (du fait qu’il soit bien écrit, notamment) mais plutôt déprimant pour la suite.

En effet, j’en arrive à la moitié de mes traitements : la chimiothérapie et la chirurgie sont derrières moi, la radiothérapie et l’hormonothérapie suivront. C’est cette dernière, l’hormonothérapie, qui me chicotte maintenant puisqu’au dire de Mme Demers, qui en a supporté quatre ans (plutôt que les cinq ou dix prescrits), c’est comme «la ménopause fois mille». Oh boy.

Sachant qu’il est inutile de paniquer d’avance, je vais me concentrer sur une autre pensée inspirée d’un film cette fois, voulant que l’allure de notre gazon et notre bonheur soit relié («les gens heureux ne laissent pas mourir le gazon», ou quelque chose du genre). Il se trouve que mon gazon, en ce joyeux printemps, a l’air d’une prairie garnie d’un sympathique mélange de myosotis, pissenlits et fraisiers : c’est très joli.

Et puisque ma réhabilitation physique ne semble pas être un enjeu, je vais dès que possible me remettre au jogging en vue de la course du 3 juillet prochain.

Pilosité

Avec l’arrivée du temps clément, je peux enfin dire Bye Bye au p’tit maudit foulard. Ça donne des situations cocasses comme le petit garçon au parc qui dit, en parlant de mon garçon, «il est avec son papa», en parlant de moi…

J’admets qu’arborer mon look de skin head au parc n’est pas la meilleure des stratégies pour m’intégrer à la faune locale et ainsi éviter que mon fils se fasse pousser en bas de la structure de jeu. M’enfin, je m’assume et j’aspire à avoir un bronzage «casque de vélo» sur le crane.

Mes cheveux mesurent un centimètre et demi environ, sans trop de densité cependant. Rien à voir avec des cheveux rasés, selon moi. À ce propos, j’ai eu une réflexion complètement déplacée selon laquelle se raser la tête «pour la cause» n’a rien à voir avec la perte de cheveux. Comme quoi je dis souvent n’importe quoi…

Aujourd’hui, j’ai beaucoup pleuré en pensant au drame que vit la seule personne que je connaisse qui ait déjà participé au Défi têtes rasées, Fabienne. Elle vient de perdre son petit garçon de treize mois, décédé tragiquement d’étouffement.

Je vais penser à elle quand je vais serrer mon fils dans mes bras. Et surtout, ça va m’aider à arrêter de déprimer parce que ma prochaine chirurgie va probablement m’empêcher de participer à la course à laquelle je me suis inscrite et de profiter pleinement d’une saison de vélo.

Bref, les nouvelles auraient pu être meilleures. Il reste des cellules cancéreuses impossibles à enlever du côté de mon sein, que l’on devra éliminer par radiothérapie. Puis, le ganglion sentinelle prélevé présentait aussi des cellules cancéreuses, c’est pourquoi on va me réopérer pour enlever d’autres ganglions.

La chirurgie est prévue pour le 24 mai prochain, d’ici là, j’espère être sur mon vélo le plus souvent possible. Il n’y a rien de tel que sentir la roue d’en avant qui lève dans une côte trop abrupte pour te reconnecter avec l’essentiel.

Bisous.

Averse

Courir par un temps de canard n’est pas très agréable. Oh oui, la zone zen est enfin déserte et t’as l’impression de courir «pour vrai» (pas juste pour montrer ton beau linge), mais à chaque pas ça fait «floc», tes sous-vêtements sont trempés, il fait frette.

J’y suis allée quand même ce matin, parce que je dois me préparer pour une course, mais surtout parce que mon chum me surveille et me fouette. Il est allé jusqu’à me couper le chocolat, faut le faire! Je ne comprends pas très bien l’expression «to quit cold turkey» mais je sais très bien c’est qui la dinde 😉

Après avoir joggé la moitié de mon objectif, j’étais en train de me chercher une excuse pour couper ça court et rentrer : il faut dire que jogger sous la pluie c’est encore pire que courir sous la pluie, enfin moi ça me paraît interminable!

Puis, j’ai aperçu une tache rouge et une tache jaune, sur le bord de la piste au marché : un petit poussin et un grand nono, mes amours! Je me suis redressée et j’ai accéléré, comme à la fin des courses quand j’essaie de bien paraître…

Arrivée près de l’escalier, j’ai continué, pour me donner bonne conscience, puis j’ai rebroussé chemin et je suis monté vers la maison. Mes cuisses ont crié très fort. Il faut dire que reprendre le jogging c’est difficile. Et que j’ai aussi fait deux moyennes sorties de vélo dans les deux derniers jours.

Je sais, j’exagère. Mais je vous rappelle qu’on m’a coupé le chocolat! En fait, toutes ces activités sportives m’ont bien changé les idées. J’en ai besoin car vendredi j’ai appris que mon rendez-vous de suivi post-chirurgical était devancé de trois semaines et aurait lieu ce lundi.

Ça veut dire que les résultats de la pathologie sont arrivés. Évidemment, j’ai tout de suite pensé au pire : des traces de cancer dans le ganglion sentinelle qui demanderaient une nouvelle chirurgie pour enlever tous les ganglions, une convalescence plus difficile, bye bye vélo et jogging… Ensuite, mon chum m’a dit que ce pourrait être encore pire : des traces de cancer dans les tissus du sein que j’étais si heureuse d’avoir sauvé, bye bye moral de béton…

Dans les faits, ça pourrait aussi être aucunes traces de cancer et on poursuit le traitement par la radiothérapie. Mais ça, ça m’a pris plusieurs kilomètres de vélo pour le comprendre. Bref, ça devrait aller. Je vais éviter les autobus (ah oui, je ne l’ai pas publiée cette aventure-là… me suis pogné avec un chauffeur d’autobus et j’ai presque fondu en larmes, de la grosse instabilité émotionnelle) et compter sur tous mes gentils «allumeurs de lampions» pour que les nouvelles soient bonnes.

Jour de la Terre

D’entrée de jeu, je dois dire que je me suis plantée à mon titre d’il y a deux billets : Archambault appartient maintenant à Renaud-Bray, je ne suis pas à jour dans mes nouvelles économiques…

Je ne suis pas à jour dans grand chose, de toutes manières, puisque ces derniers temps, j’ai canalisé mon stress dans les sudoku, les Aventuriers du rail et Gilmour Girls. Édifiant, n’est-ce pas?

Juste avant de passer sous le bistouri, je me suis lancée dans un défi cycliste un peu exagéré : combiner première sortie de la saison et première fois que je tire fiston dans la remorque sur une vraie route sans Bionx. Je suis arrivée à St-Élie exténuée mais fière de moi. Fiston, lui, était un peu étonné d’atterrir là mais il a bien accepté qu’on le largue pour quelques jours.

Jour J, sept heures, je fais la file en chirurgie d’un jour, me sentant dans un corral de Temple Grandin. On m’envoie bientôt en mammographie pour me faire poser un harpon, je pense à la chasse aux phoques. Il s’agit en fait d’un mince fil, qu’on m’insère à frette, qui servira de guide vers la zone de la tumeur.

Plus expressive qu’une chirurgienne, la technologue m’apprend que la réduction de la tumeur est impressionnante. Tout se passe bien jusqu’à ce que je vois le sang… «Vagale» is my middlename. Dans la salle d’attente, je sens le regard des autres femmes, compatissantes, mais j’essaie de m’en soustraire car je tiens à traverser l’épreuve en solo.

On m’envoie ensuite en médecine nucléaire pour l’injection du colorant radioactif qui servira à identifier mon ganglion sentinelle. Je suis fin prête pour l’opération. On vérifie mon identité et on me demande d’expliquer la procédure, c’est bien, on ne m’amputera pas de bras par erreur.

Contrairement à ma voisine d’en face dans la salle de chirurgie d’un jour, je n’ai eu connaissance de rien et je suis plutôt amorphe à cause de l’anesthésie. L’autre, raconte trois fois plutôt qu’une comment elle a réussi à ajouter la réparation du tunnel carpien à sa chirurgie prévue et à faire entendre du AC/DC dans la salle d’opération une fois la procédure complétée, le tout super méga fort. S’adressant à sa mère : «c’est de ta faute, ça», puis à la salle : «Excusez-moi tout le monde, c’est la faute de ma mère si je parle aussi fort».

Voilà donc comment j’ai passé le jour de la Terre 2016 : à générer un cocktail de déchets domestiques, biomédicaux et radioactifs. Malgré mes remords environnementaux, tout va bien : j’ai enlevé mon pansement tantôt et j’ai pleurniché de soulagement en voyant mon sein quasi-intact.

Assistance

Hier après-midi, je suis allée chercher fiston à la garderie en joggant, parce que je n’avais rien foutu de la journée, que je n’ai pas respecté mon engagement de sécrétion d’endorphines, mais surtout parce que je jugeais qu’il faisait un peu froid pour le vélo.

Inévitablement, à peine entré dans la véranda, fiston a pointé le vélo, sorti ses yeux de biche, pointé les casques, l’air de dire : «déguédine, on part». Il m’a fallu quelques minutes pour lui faire accepter que j’avais besoin d’un manteau, au minimum, et d’une batterie.

La batterie ne voulait pas clencher, j’ai pensé à maman qui venait de me raconter avoir troubleshooté son Bionx plus tôt dans la journée, j’ai sacré un peu et je suis allée chercher une autre batterie qui a bien voulu clencher, merci.

Une fois «toque-son» embarqué et bien attaché, je me suis rendu compte que, clenchée ou pas, la batterie n’alimentait pas le système d’assistance au pédalage. Qu’à cela ne tienne, si je suis capable de le déplacer en sac-à-dos et en poussette, je dois bien pouvoir nous mouvoir en vélo sans assistance, me suis-je dit, trop paresseuse pour débarquer fiston.

Ouf! Arrivée près d’une côte descendante, je me suis dit que l’effort à fournir pour contrer l’inertie (Mathieu va encore dire que j’utilise mal ce mot, une chance qu’il ne lit pas mon blogue!) du moteur était supérieur à ma capacité de malade semi-sportive ayant déjà couru dans les rues pentues de mon quartier. «Pentues» étant le mot clé dans ma phrase, on a tôt fait de faire le tour de la portion praticable du quartier.

Comme quoi toute la volonté du monde ne suffit pas toujours et que le recours à l’assistance est parfois nécessaire. (Check ben mon analogie bouetteuse!). Dans le cas de mon cancer, mon allier le plus précieux aura sans doute été la chimiothérapie. Même si j’aurais envie de te dire que j’ai reçu un placebo et que ma confiance et mon moral d’acier ont à eux seuls fait réduire ma tumeur au point où les praticiens la cherche, je crois que le cocktail de poisons mérite les honneurs.

Tellement efficace, cette chimiothérapie néo-adjuvante, que la chirurgienne qui m’annonçait une mastectomie totale il y a quelques semaines, arguant la petitesse de mon sein, a revu sa position et qu’on va sauver mon mamelon, youpi! L’intervention est prévue pour vendredi, j’essaierai de donner des nouvelles la semaine prochaine.

J’ai voté pour PKP

Arrivée en haut de la côte King, je ralentis le pas un brin pour souffler. Mon manque d’assiduité à l’entraînement n’a rien à voir avec l’essoufflement : je porte certainement une charge équivalente à un Charles-Antoine et demi sur le dos et je suis habillée comme on s’habille au printemps lorsque c’est l’hiver le matin et l’été en fin de journée.

Mon regard croise un balafon, à peine plus gros que celui que j’ai acheté au musée de la musique de Ouagadougou, dans la vitrine du prêteur sur gage : de kessé? Je trouve ça drôle, étant donné l’état d’esprit «retour de voyage» dans lequel je me trouve. Okay, je reviens de moins de trente-six heures d’absence à deux heures de bus de chez moi mais bon, je n’y peux rien, au retour, j’ai toujours un œil différent sur ma ville. Comme je reviens de la métropole, j’en arrive même à trouver l’artère principale de la reine des Cantons de l’Est propre et tranquille.

J’arrive de mon pèlerinage annuel à la Braderie de la mode québécoise. Je déteste le magasinage mais je dois bien m’habiller alors j’essaie d’éviter le plus possible d’encourager l’industrie du vêtement qui fait travailler des enfants dans des usines dont le toit menace de s’effondrer. Je doute que ça mette beaucoup de beurre sur les épinards des artisans d’ici que d’acheter leurs vêtements en solde mais bon, il y a une bonne intention derrière ma démarche. Acheter c’est voter, comme dirait Laure Waridel.

Alliant l’utile à l’agréable, j’ai étiré mon séjour d’une journée pour un rendez-vous et je me suis invitée chez des amis pour la nuit. J’ai donc pris le métro à l’heure de pointe avec mon énorme sac à dos. Lorsqu’une jeune femme a ouvert la porte, j’ai compris que je m’étais trompée d’adresse. Plus tard (beaucoup trop tard), j’ai réalisé que mes amis n’avaient pas déménagé subrepticement dans la nuit, que j’étais déjà allée dans leur pas si nouveau logement que ça. Re- le métro bondé avec un énorme sac à dos, bravo!

La semaine précédente, je m’étais imaginée fondre en larmes de nervosité, avoir besoin de zoothérapie et de bébéthérapie à l’idée d’affronter la Mastectomie en montrant mes boules à la caméra. Et bien non, j’ai été l’invitée attendue, la Lazure habituelle… ben celle qui venait de se tromper de quartier.

Marie-Ève a eu la gentillesse de me reconduire chez la photographe, d’un coup d’oeil à la carte elle a su où aller. Arrivées sur la rue paisible et tortueuse, on porte attention aux numéros civiques : 16, 18, 20, 22. Point de 24. Après s’être cassé un peu le bicycle, on se rabat sur le 24 du Croissant, c’est quasiment la même chose au fond. Avertie par les jappements stridents de son chien, une femme âgée vêtue d’une robe de chambre sort : elle n’est pas photographe, me suis encore trompée d’adresse, bravo!

Lorsque j’avais lu le courriel de Mia me parlant du projet de son amie, j’avais versé toutes les larmes de mon corps en quelques secondes. Un gros sanglot sincère. Je m’étais dit que poser pour ce projet serait ma manière d’apprivoiser la mastectomie. Comme tout ce qui entoure mon cancer, je m’y suis lancée en faisant entièrement confiance à la professionnelle.

De retour au centre-ville par un métro étonnament bondé (à cette heure-là, les autobus de Sherby ont deux-trois passagers), j’ai décidé d’occuper mon temps à bouquiner. J’allais chercher le roman de Fanny Britt pour ma convalescence et, si j’avais le temps, explorer sommairement la Grande Bibliothèque.

Ils sont bons, les commerçants, pour te vendre des trucs. J’ai hésité un moment avant de me lancer, habituée à encourager ma biblairie de quartier («acheter c’est voter» all the way, tsé), puis j’ai perdu le contrôle. Après tout, si je pouvais dépenser des centaines de dollars pour des vêtements, je pourrais bien dépenser un peu pour encourager l’industrie de la littérature et sauver quelques cents en retards à la bibliothèque. Je me suis laissée emporter un peu et j’ai voté pour PKP.

Coups de pédales

En m’accueillant tantôt, mon oncologue a comparé la fin de ma chimio à la fin des étapes alpines du tour de France. En ma capacité de pseudo-autiste, j’ai répondu que je préfère subir la chimiothérapie à pédaler les cols des Alpes… #slowclap

S’en est suivi un intéressant mais perturbant monologue sur l’entraînement de vélo de mon médecin traitant, un vrai médecin habitué à la performance.

Quant à moi, j’ai trois Sufferfest (entraînements de vélo) derrière la cravate, les jambes me brûlent un tantinet et j’espère maintenir le cap d’ici ma chirurgie, aka l’éléphant dans la pièce.

Ce n’est pas un hasard si je n’ai pas écrit de billet depuis deux semaines. Évidemment, il y a eu Pâques et la cabane à sucre, c’est-à-dire plusieurs centaines de kilomètres de voiture électrique. J’ai même rasé lutter un chien barbet à Gracefield.

Tout ça se passe la fin de semaine vous dites? C’est ça. Je passe mes journées de semaine à faire de la boulimie alimentaire et télévisuelle. Beaucoup trop de télé, beaucoup trop de chocolat.

C’est dans seize dodo, tous les Sufferfest du monde ne seront pas suffisant pour évacuer le stress qui m’habite (et perdre mes kilos-chocolat). Alors le silence radio risque de se poursuivre côté blogue, toutes mes excuses.

Endorphines

Je viens d’inscrire mon fils à sa première épreuve de course à pied : je me trouve un peu ridicule et ressens le besoin de me justifier. Au pire, on ramassera de belles roches le long du parcours, des roches à quinze piastres.

L’inscription n’est qu’un prétexte pour une activité en famille et pour me botter le cul. Rassurez-vous, je suis bien évachée dans un divan à l’heure où on se parle, récupérant comme il se doit de ma dernière dose de chimiothérapie. Mais j’ai les jambes qui me démangent et surtout l’esprit qui a envie de s’aérer.

C’est lundi post chimio, jour de rush sur la planète Cancer. Hier, j’ai retrouvé mon fils, séparé de moi de 25 km pendant moins de deux jours… Ce matin, j’étais clouée au lit, surtout d’avoir mal dormi. Une nuit de femme enceinte : pipi, malaises, pipi, listes mentales, pipi, etc. Puis, dès que mes hommes quittent la maison, la journée du diable commence.

Malêtre physique d’abord : j’ai faim mais la bouche râpeuse et l’oesophage en feu. J’ai mangé du thai zone pour déjeuner, des pâtes à rien pour dîner et de la salade de fruits en canne, miam. Bouffe de lendemain de brosse. J’ai soif mais je ne supporte plus la sensation de l’eau dans ma bouche. J’ai envie de boire le «dernier cidre» de mon chum, mais ce serait pas fin.

Je suis chanceuse tout de même, j’ai les jambes qui picotent un peu, c’est vrai, mais je vais enfourcher mon vélo tantôt pour aller chercher junior, pas de stress. Ma forme physique est exceptionnelle. J’halète en remontant la côte, c’est sûr, mais en partie parce que je m’entête à porter mon Kanuk au dégel. Chu ben, au soleil avec mon Kanuk.

C’est l’épreuve mentale du lundi de satan qui est la plus raide. C’est la journée où je m’imagine engloutir les épisodes de Gilmour Girls en pédalant dans la cave, entre deux brassées de lavage. Mais où je me déplace difficilement entre mon lit, le divan du salon et le divan de la cave. Je suis tannée de jouer au Boggle, à Trivial Pursuit, j’ai un record de pas d’allure à Jewels. J’ai lu tous mes livres de bibliothèque, les vieilles revues qui trainent dans ma tablette, le Devoir, la Presse+, la Tribune. Je connais mon fil Facebook par cœur. Je suis salement déprimée.

Je m’extirpe au dehors, vêtue de mon Kanuk, m’installe sur le perron sale, observe les sherbrookois mal se stationner, reluque un peu la peinture écaillée de la maison qui manque un peu d’amour et écris ce petit billet au soleil, même si j’ai pas mis de crème solaire. Je te promets que je vais écrire aussi quand j’irai mieux, quand les endorphines auront kické in.

Bientôt le bistouri

Dans mon dernier billet, j’affirmais être une ménagère. Plusieurs d’entre vous m’ont imaginée à quatre pattes en train de frotter mes parquets, preuve que j’ai été chiche sur les adjectifs : on aurait dû lire ménagère téléphage ou encore ménagère boulimique. Je mange du chocolat comme jamais, sous prétexte que la chimio pourrait bientôt m’enlever mes capacités gustatives et j’abuse de Netflix comme il n’est pas permis.

Bref, il y a des coins de poussière dans les escaliers, les planchers sont limite collants et j’ai peur quand mon fils échappe sa brosse à dents dans le lavabos. Si on ne vivait pas déjà légèrement au-dessus de nos moyens et que la tante Gisèle n’était pas si vieille, j’aurais une femme de ménage.

J’ai récemment fait un effort de guerre et fais le ménage dans certains papiers. Je suis tombée sur mes relevés de notes de l’université pour redécouvrir deux faits amusants. D’abord que la prof de rédaction était salement sévère parce que contrairement à mes lecteurs, elle ne me trouvait pas bonne pantoute, parmi des ingénieurs, faut le faire… Ensuite que j’aurais dû changer de branche, rushant comme c’est pas permis en chimie et excellant en informatique.

Tel était le thème de ma semaine au CAP jeunesse : l’informatique. Alors aucun preneur pour la grosse 50, je vais plutôt aller boire un jus vert avec Joëlle, qui proposait les sciences. Après ce camp de jour, ma cousine Julie (qui l’avait suivi une autre semaine) et moi on s’est mises à programmer sur son VIC 20, que de souvenirs!

De retour dans la réalité, j’ai insulté un résident aujourd’hui en affirmant que la médecine n’était pas une science, étant hautement aléatoire… Il était gentil pourtant, son seul défaut étant de ne pas connaître Patrick Nicol.

J’en connais maintenant un peu plus sur mon sort chirurgical. Je vais d’abord passer des examens permettant de constater l’efficacité de la chimiothérapie et de savoir si mes ganglions sont encore potentiellement porteurs de cancer. Il appert que ces petits coquins se sont montrés «sans cancer» à la biopsie et «avec cancer» au TEP-scan.

Après les examens, j’aurai à choisir avec la chirurgienne entre échantillonner un ganglion sentinelle pour qu’un pathologiste l’examine attentivement et enlever tous les ganglions. La première option entraîne un risque d’avoir à faire une deuxième chirurgie tandis que la deuxième augmente les risques d’avoir le bras enflé (évidemment, il y a un nom médical, ne soyez pas surpris que je n’aie rien retenu).

Quant à la tumeur elle-même, on peut déjà conclure qu’elle a assez réduit pour l’enlever sans faire de mastectomie totale. Par contre, étant donné la petite taille de mes seins, ça laisserait un sein pas mal difforme. La reconstruction en même temps que l’ablation n’est pas envisageable puisque j’aurai à subir des traitements de radiothérapie.

Je comprendrai un peu plus les options et enjeux à mon prochain rendez-vous dans trois semaines, en attendant, c’est ma dernière chimio demain, yé!

Féminité

L’autre soir, je suis allée voir Fabien Cloutier boire une bière-clamato avec Dominic Tardif. Non que je sois une groupie finie ou que j’aspire à intégrer la clique culturelle de Sherby. Plutôt que je m’ennuie à mourir et que j’essaie de sortir de chez moi un peu. Deux cinq à sept en quatre jours, je ne me peux plus! Avant de partir, j’ai laissé un Osso bucco dans le four et un gâteau aux carottes, question que mes hommes ne meurent pas de faim.

Je suis une ménagère. Ça amuse mon chum abondamment, moi, ça me déprime. Je ne peux pas croire que dans un passé pas si lointain, c’était le destin des femmes, à moins d’entrer en religion, que de passer leurs journées à faire des tâches ménagères et à bichonner leurs hommes. (Je les adore, mes hommes, en passant.)

C’est à pareille date l’an dernier que je me dotais du nom de domaine le plus réducteur de tous les temps : «la blonde de» en pleine journée internationale de la femme, bravo! J’aurais pu faire pire vous direz, comme être nommée ministre de la condition féminine et affirmer ne pas être féministe! Si vous voulez mon avis, il y a un(e) conseiller(ère) en communication qui devrait perdre sa job!

Toujours est-il que je suis tout sauf «la blonde de» (en temps normal, s’entend) mais que si on me demandait à brûle pour point si je suis féministe, je répondrais probablement que non, ce qui est absurde étant donné que j’exerce un métier non traditionnel, entre autres. Ma théorie à cinq cennes? Évidemment, comme les ministres, par ignorance. Mais aussi sans doute parce que je confond féminisme et féminité.

Rassurez-vous, je ne suis pas en train de vous annoncer que je suis trans, au contraire. Mais il reste que mon amour des jupes et des boucles d’oreille est très récent et que je ne niaisais pas quand je disais que moi pis le maquillage c’est vraiment pas au point. Si je n’avais jamais vécu l’allaitement et l’augmentation mammaire qui vient avec, je n’aurais probablement pas développé d’attachement à ma poitrine non plus.

Dans les prochains jours, j’aurai une date pour la chirurgie. Je saurai aussi l’ampleur de l’affaire. Mastectomie? Partielle? Totale? Double? Je suis complètement paniquée. Mon chéri a beau me dire que j’aurai une reconstruction (et augmentation, he wishes) en même temps, google images a tout ruiné…

Sur ce, je retourne à mes tâches ménagères, à ma boulimie et je me prépare pour ma deuxième sortie de vélo de l’année (techniquement, c’est l’hiver, je n’en suis pas peu fière!!). Heureusement, un semblant d’activité physique chasse le cafard de la ménagère.

p.s. Je paye la grosse 50 à la taverne au premier qui devine le thème de ma semaine au CAP jeunesse (photo) 😉