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Taxotère-2

À pareille date l’an dernier, Mathieu et moi avons passé une partie de notre fin de semaine d’amoureux à l’urgence, parce qu’on avait soudainement découvert que ma fausse couche était une môle. Puis, on a filé à Montréal pour la fête des guimauves qui s’est allongée dans une Nuit Blanche mémorable. Cette année, on a fait plus simple : nuit blanche à l’urgence.

Il faut dire que quand j’ai raconté à l’oncologue l’épisode des deux thermomètres, il n’a pas beaucoup ri. Alors cette fois, 38°, on habille fiston et on se pointe à l’urgence. Il neige, la ville est tranquille. Mathieu me dépose à l’entrée et va se stationner. La panique s’empare de moi : j’emprunte la mauvaise porte, je constate simultanément l’absence de masque dans le distributeur et la densité d’humain malade dans la salle d’attente.

Les instructions sont plutôt claires : assoyez-vous sur les chaises rouges pour le triage. Une dame occupe trois sièges, je m’assois après elle, sur le bout de ma chaise. Quelques minutes plus tard, des gens arrivent et passent devant nous parce que visiblement, la dame aux trois sièges ne sait pas lire, elle n’attend pas du tout le triage. Je me mets à pleurer. La dame se confond en excuse, me demande mon prénom pour prier pour moi, sans jamais quitter les osties de chaises rouges.

Évidemment, je me sens complètement ridicule de paniquer pour «quelques minutes», surtout que je sais que je vais passer devant tout le monde. Mais je suis hystérique de même, j’imagine les infections nosocomiales roder autour de moi… Bref, mon tour arrive bien assez vite et on me trouve une salle d’isolation : la salle des plâtres.

L’urgence est tranquille, les gens sont zen. Mon infirmier est même un peu trop jovial à mon goût. Quand vient le temps d’utiliser mon port-à-cath, il ne sait pas trop quoi faire et demande l’aide d’une collègue. Ensemble, ils commentent abondamment l’absence de matériel stérile dans le «kit» de prélèvement, ce qui ne calme en rien ma panique en ce qui a trait aux risques d’infection.

Il faut dire que la salle des plâtres n’est pas équipée pour faire des prélèvements sanguins, apparement. On y trouve surtout des bandages, des atèles et des poids. On y passe une partie de la nuit, à dormir comme on peut avec en bruit de fond les lamentations d’un malheureux skieur. Les résultats indiquent que j’ai probablement la grippe, je peux retourner à la maison. Il est cinq heure, je marche à pas de tortue dans le stationnement enneigé. Trop vedge pour penser prendre une photo, vous aurez encore droit à un paysage quelconque!


Petite anecdote cocasse en terminant, j’ai finalement contacté le programme Victoire de la pharmaceutique pour «l’aide aux patients». C’est donc vrai que la compagnie rembourse la balance que l’assureur ne couvre pas, je ne comprends officiellement rien au système capitaliste…

La préposée : «pouvez-vous me dire combien vous avez payé la dernière fois?»

Moi : «870,98 $, madame»

La préposée : «…»

Moi : «Ah mais ça inclut le 5 $ de franchise de mon assureur»

La préposée : «eeee… et puis le coût total du médicament c’est quoi?»

Moi : «2891,59 $, madame»

La préposée : «… ah… eh… ouain, ça fait bien 30%»

Au moins, avec ça, je survis à la grippe.

Synophridie

Aujourd’hui dans l’une de mes quinze parties de Trivial Pursuit j’ai pogné une question dont la réponse était «mono-sourcil»!! Évidemment, je n’ai pas retenu le nom scientifique de cette affliction dont je souffre (j’ai dû travailler un peu pour en faire le titre de mon billet) mais j’ai gagné ma partie, c’est ça qui importe.

Ça m’amène à vous parler de ma pilosité, tant qu’à y être. Mes sourcils poussent. J’ai l’impression que je perds mes cils, mais ça c’est mon teint cadavérique qui fait ça. Mes poils de jambes poussent lentement mais ils poussent, mes poils d’aisselles non. Les quelques cheveux qui me restent poussent aussi, aux dires de mon chum (on est loin du centimètre par mois tsé). Bref, ce n’est pas clair.

Mes ongles sont maganés. Difficile de dire si c’est le vernis que je viens d’enlever parce qu’il ne recouvrait plus que les deux tiers de mes ongles, ou encore le dissolvant. Bref, je vais remettre du vernis question de ne pas les voir. J’ai opté pour le noir, je sais mon look emo/altern/Christiane Charette commence à être christment dépassé, désolée. La vérité c’est que j’ai passé de très longues minutes à tergiverser devant les couleurs, cherchant un vernis opaque pas trop flash. Pis j’ai pris celui à 1,99$.

C’est comme ça, je suis à la fois dépensière et gratteuse, une autre de mes contradictions. Mais le stress financier diminue : Mathieu travaille, on a trouvé quelqu’un pour reprendre le bail de la C-Max et puis ma compagnie d’assurance a accepté de payer 70% du médicament pas couvert par le système. La balance semble être assumé par la compagnie pharmaceutique elle-même, j’aime mieux pas trop m’interroger là-dessus.

Ma dépression aussi est terminée, fiou! Boone croit que c’est le mois de février qui fait ça, j’espère qu’il a raison et que ce n’est pas un effet secondaire de mes traitements… Parce qu’il m’en reste deux et que j’ai pas les nerfs très solides. Deux semaines pour me remettre physiquement, une semaine de santé mentale chambranlante, ça laisse pas beaucoup de temps pour le bonheur.

Il me restait aujourd’hui pour me faire plaisir et comme fiston est malade, je me suis occupée de lui à la place. Abattu par un vilain virus, il a dormi pendant une heure sur mes jambes comme un animal domestique. J’essaie de faire de l’humour là mais ledit virus me terrorise. La garderie est fermée parce que la gardienne est sur le cul depuis une semaine. J’ose à peine imaginer comment je vais «survivre» au virus.

Je ne m’inquièterai pas trop, j’ai toute une équipe de supporters qui allument des lampions virtuels pour moi 🙂

Creux de vague

Cette semaine, j’ai fait une dépression. Du moins, selon ma propre définition de dépression, qui n’a probablement rien à voir avec la vraie maladie, je m’en excuse. Bref, j’ai craqué, pleuré, imploré. Je me suis sentie dépassée.

Il faut dire que j’étais épuisée. D’abord parce que mon nouveau traitement a cet effet écrasant. Ensuite parce que mon chéri a commencé à travailler et que j’ai beaucoup marché pour transporter le petit à la garderie. Quatre aller-retours en trois jours, une quinzaine de kilomètres. En trois jours… Je vous aurait dit en trois heures que j’aurais été une patate… trois jours!!

En plus de la fatigue, mon nouveau traitement a beaucoup compromis ma capacité de m’alimenter correctement. La bouche pâteuse, les papilles en alerte, peu d’aliments ont réussi à entrer. Ajoutez un odorat ultra-sensible et un système digestif en détresse et vous avez une belle idée de l’état d’esprit dans lequel je me trouvais.

Mon amoureux qui me tombe dans la face pour une raison X a été suffisant pour ouvrir le robinet de mon désarroi. Mais exactement comme mon chum qui paniquait en fait pour des raisons Y et Z, ma détresse n’avait pas grand chose à voir avec ma fatigue ou mes malaises physiques. Internet. J’avais osé passer du temps sur le site de la société canadienne du cancer pour m’informer : grosse erreur.

Des tumeurs, des images de mastectomie, des pronostics, des statistiques : autant de sujets déprimants dont je n’avais pas besoin. Certains diront que je vis dans le déni, grand bien leur fasse. Le peu d’information pertinente qui m’a éclairée pèse très peu dans la balance à côté du stress inutile que le reste de l’information m’a apportée. Je préfère demeurer une patiente un peu naïve et mal informée qu’une patiente déprimée.

Fiston s’est fait garder pendant deux jours chez ses grand-parents permettant à son père de se gosser un hackintosh et à sa mère d’écouter beaucoup trop de télé, la crise a passé. Du moins celle-ci.

Taxotère-1

La fin de semaine dernière, j’ai eu le bonheur de passer de temps avec ma préado préférée. «Est-ce qu’on joue au Boggle», qu’elle m’a demandé, comment ne voulez-vous pas qu’elle soit ma préférée? Simone apprend le chinois et le latin. Depuis que le latin est arrivé dans sa vie, elle ne peut s’empêcher de décortiquer les mots. On n’a pas joué au Boggle mais je crois qu’elle m’aurait battue.

Je plonge dans le dictionnaire ce matin, car le mot «taxotère» m’intrigue. C’est le nom de mon nouvel agent chimiothérapique. En fait, je cherche le lien entre taxotère et taxidermie. Va savoir pourquoi, je me sens comme un animal qu’on empaille. Eh bien, les préfixes taxo et taxi signifient bien la même chose : organisation. Mais ils sont grecs et non latins : déception.

Mon nouveau traitement, ce n’est pas de la tarte. Je récupère beaucoup moins bien qu’avec le FEC. Je suis un escargot et j’ai toute une panoplie de malaises désagréables (pléonasme?). J’ai ressorti mon vernis à ongles brillant, cadeau de Noël du Jean Coutu, pour protéger mes ongles mais je me sens franchement ridicule. Tout sauf belle et bien dans ma peau.

J’ai finalement reçu le médicament semi-approuvé (perjeta). Mon assureur a accepté de payer, je ne comprends pas trop comment ça fonctionne et je trouve ça emmerdant d’avoir à transiger avec tous ces humains. Au final, je comprends que certains de mes ganglions «suspects» ne seront pas opérables alors il faut mettre le paquet sur la chimio.

Après avoir visionné la vidéo d’une jeune femme désespérée de Gatineau dont le cancer s’est propagé monstrueusement et à qui on a dit ne plus rien pouvoir faire pour elle, j’ai versé une petite larme. J’ai réalisé que je comprenais plus «la patante» que je pensais et surtout je me suis sentie franchement privilégiée d’être traitée au CHUS. Il faut sans doute avoir été opéré par un gynécologue tremblant de passage à Maniwaki pour comprendre…

Mon moral tient bon malgré tout. L’inquiétude ne prend jamais le dessus sur l’espoir. Je me sens tout de même beaucoup plus vulnérable qu’avant. L’épisode de fièvre que nous avons vécu il y a quelques jours a été particulièrement éprouvant. Si la température corporelle se maintient à 38oC pendant une heure ou si elle atteint 38,3oC, on doit se rendre à l’urgence, disent les instructions.

Imaginez deux ingénieurs, deux thermomètres et des résultats de 37,8oC… J’ai suggéré à mon chum de m’installer un microcontrôleur avec acquisition de données en continu (comme on a dans la douche, pour l’humidité) pour qu’il puisse suivre ma température sur un graphique en direct de son ordi. Il m’a répondu d’aller au CHUS en autobus 🙂

ZiMed

Il y a quelques années, j’ai arrêté d’écrire une chronique dans l’Info de feu-St-Élie-d’Orford parce que trop de mes nouveaux collègues étaient susceptibles de la lire. Aujourd’hui, alors que j’écrivais d’abord pour informer mes collègues, amis et parents, je tremble à l’idée que de purs étrangers lisent mes billets. Parce que je peux écrire des énormités, voire des niaiseries. Parce que j’écris pour partager ma pensée et non pour influencer les autres.

Du temps de l’Info, j’écrivais souvent sous pression, le surlendemain de la date de tombée. Aujourd’hui, j’ai la liberté d’écrire mon n’importe quoi quand ça me tente, quand le sujet me trotte dans la tête au point de m’empêcher de dormir. Cette fois-ci je marche un peu sur des œufs car mon sujet est tabou et délicat : l’argent.

Je ne veux pas revenir sur le 100 $ que j’ai choisi de payer pour l’échographie que j’attendais depuis six mois et qui aurait eu lieu la semaine suivante. Bien que je crois, comme plusieurs, que les salaires des médecins spécialistes sont généreux et que je rêve qu’un gestionnaire quelconque trouve comment améliorer l’accès aux médecins de famille ainsi que les conditions de travail des infirmières, je n’ai pas grand chose à dire sur notre système de santé.

C’est plutôt des coûts extérieurs au système dont je veux parler. Avoir le cancer, ça coûte cher. D’abord, il faut avoir les moyens d’être au chômage. Je joue la superhéroïne qui passe ses temps libres sur les pistes de ski mais dans les faits, si j’étais au bureau, je craquerais au premier appel de client hostile, je vous le garantie. En théorie, je pourrais travailler, en pratique, je ne serais pas efficace. Une diminution de revenu donc, pour une année dans mon cas.

Viennent ensuite les coûts des médicaments. Car même si la chimiothérapie est payée par le système (j’ai entendu un infirmier parler de 12 000 $ pour un seul traitement, ce n’est pas rien), on doit payer les médicaments qui nous aident à passer à travers. L’assurance en paie une partie, et je présume que j’aurai des déductions d’impôt, mais il reste que ça me coûte près de 1 000 $ à chaque traitement, donc près de 6 000 $ pour contrer les nausées et maintenir mon système immunitaire en fonction. Je doute que ce soit à la portée de toutes les bourses…

Ma rogne aujourd’hui ne vient pas de ça pourtant, mais plutôt du médicament non-approuvé que mon oncologue me propose de prendre. Médicalement parlant, j’ai pris ma décision, je suis les conseils du spécialiste. Mais je dois faire un suivi auprès de la compagnie pharmaceutique, de mon assureur et de l’hôpital, ce qui me place très en dehors de ma zone de confort. Je me sens coupable de ne pas vouloir payer pour augmenter mes chances de survie. À suivre.

Au chapitre des bonnes nouvelles, le généticien n’a pas trouvé de raison de croire que j’aurais des prédispositions génétiques au cancer, ce qui, au final, améliore mon assurabilité.

C6470H10012N1726O2013S42

La semaine prochaine, je change de «cocktail» de chimiothérapie. Je me suis dit que j’allais me forcer un peu, m’intéresser aux produits, me documenter, poser des questions. Bof. N’allez pas penser que le cancer m’a changée, la chimie organique pis moi, on ne s’est pas réconciliés. Mais la formule chimique de l’Herceptin est trop géniale (C6470H10012N1726O2013S42), ça ferait un foutu beau bricolage. Ça ou des mandalas, même combat!

Comme c’est une «bonne semaine», je vais plutôt consacrer mon temps à tenter de parfaire ma technique de skieuse. Hier, je me suis retrouvée en pleine face, j’ai eu mal à l’ego. Et comme mon chéri avait choisi une piste plus difficile, je me suis retrouvée toute seule à pleurer pour rien… Pas facile!

Je ne sais pas s’il y a un gène «sportif» mais je peux vous garantir que je ne l’ai pas. J’espère que fiston tiendra de son père. Samedi dernier, à son premier cours d’éveil à l’activité sportive, il a démontré qu’il était aussi timide que sa mère, mais ça c’est une autre histoire! Quand l’animatrice m’a demandé quelle activité il avait préféré, je suis restée vague, incapable d’avouer qu’il maniait un peu trop bien le bâton d’hockey à mon goût.

Entendez-moi bien, je n’ai rien contre les gens qui aiment le hockey, c’est juste contre ma religion. J’en ai contre le sport professionnel en général et ses salaires exorbitants. Je me calmerai le jour où quelqu’un m’expliquera comment le partisan-moyen peut chigner qu’il pait trop d’impôts et se payer un billet à 100$ et des bières imbuvables à 10$. M’enfin, je m’égare.

Je m’égare mais je ne suis pas perdue. Je n’adhère à aucune religion, pour toutes sortes de raisons. La principale étant probablement que mon père me rabâche les oreilles depuis près de quarante ans avec tous les travers de la religion catholique à laquelle on «appartient» pourtant. Bref, s’il est heureux de s’en être «débarrassé», moi, la cassure me laisse un peu perplexe.

Pas que j’aie besoin d’endoctrinement mais je trouve que l’athéisme a ceci de sournois qu’il n’a ni cadre, ni vocabulaire propre. En somme, quand on me pose des questions sur mon «combat», j’ai franchement l’air de m’en foutre et de me laisser porter alors que dans les faits, j’y réfléchis (surtout sur les pistes de ski).

J’aimerais bien être assez intelligente pour comprendre comment les médicaments que l’on m’injecte inhibent la croissance tumorale mais comme ce n’est pas possible, je me contente de subir le traitement et d’espérer son efficacité. Namaste et bonne journée!

Congé de cancer

Cette semaine, motivée par une envie de dumplings en bonne compagnie, j’ai décidé d’aller dîner à Montréal. Rien de très extraordinaire, vous direz? Ce n’est pas Montréal-Gaspé, j’en conviens, mais pour une électromobiliste débutante, ce fût toute une aventure!

Alors que par temps chaud, l’autonomie de notre voiture avoisine la centaine de kilomètres, le chauffage l’abaisse à environ 80 km. Évidemment, elle est dotée une génératrice à essence pour me sortir du pétrin au cas où, mais je m’élance avec le défi ultime en tête. À peine rendue sur l’autoroute, mon entraîneur m’appelle pour connaître les réglages de la climatisation.

À environ 5 km de Bromont, je me vois contrainte de démarrer la génératrice quelques minutes, histoire d’arriver à la borne en mode électrique, puisque la génératrice sonne un peu comme une tondeuse, c’est vraiment pas chic. Je recharge pendant 17 minutes (2,50 $) et me dirige ensuite vers Richelieu où je recharge pendant 20 minutes (3,00 $), le temps d’aller aux toilettes, de texter mes amis et de m’hydrater.

À ce stade du défi, la pression monte. Mon entraîneur m’ayant en effet annoncé que la borne de recharge niveau 2 que j’avais choisi près du resto est occupée : pouet pouet. Je n’ai pas fait le plein d’essence et les rues de l’arrondissement du plateau Mont-Royal ont cette réputation qui effraie la petite sherbrookoise en moi. J’hyperventile un peu, pour la forme. Sur le pont, un américain roule à 30 km sur les feux de détresse, je respire, y’a pire.

Je me rends tout de même à l’aréna constater que les deux bornes sont occupées par des électromobilistes rustres qui n’ont rien à cirer des petites sherbrookoise en quête de dumplings. Respectivement branchés depuis 2h30 et 3h30, ces deux goujats n’ont pas laissé leurs coordonnées pour qu’on les contacte gentiment pour leur demander de céder la place… Ils y seront toujours à mon retour, deux heures plus tard.

S’amorce ensuite mon baptême du Plateau Mont-Royal en voiture. Prisonnière d’un bouchon improbable, je texte mon entraîneur qui m’appelle aussitôt. Il tente de m’indiquer le chemin à prendre mais, terrorisée à l’idée de traverser le boulevard St-Joseph, je raccroche en vitesse. Résultat : le GPS se goure royalement, j’atteins la borne de justesse. Je recharge pendant 13  minutes (2,00 $), j’ai de quoi sortir de la ville et je ne dois pas tarder avant qu’elle ne s’engourdisse.

Arrivée à Richelieu, je fais le plein d’essence (6,86 $), la caissière me regarde avec un drôle d’air. Je recharge ensuite pendant 22 minutes (3,30 $), surtout parce que je suis fatiguée et que l’efficacité n’y est plus. Inutile de recharger plus longtemps, je frôle l’asymptote. L’entraîneur est avisé, il n’y aura pas d’arrêt à Bromont cette fois, je rentre au bercail.

J’active la génératrice un peu avant la montée de St-Alphonse (tout près de la station-service préférée de Karl), le son me perturbe un peu, je me demande si je fais le bon choix puis j’augmente légèrement le son de la radio. Lorsque la distance qu’il me reste à parcourir est d’environ 15 km inférieure à l’autonomie électrique qu’il me reste, je coupe le moteur de tondeuse et je rentre tranquillement chez moi. Au total, j’aurai consommé environ 5 litres d’essence, ce qui n’est pas si mal…

Le plus important, c’est que j’aurai écrit un texte de 600 mots sans utiliser une seule fois le mot de six lettres omniprésent dans ma vie. Je remercie chaleureusement mon entraîneur de m’avoir laissé utiliser les BRCC de Bromont et de Richelieu avant lui 😉

Atteindre Prospect avant la chenillette

De toutes les personnes que je connaisse, je gagerais cher que 49% pensent que je suis une tronche finie, 49% pensent que je suis une alcoolo-toxico finie et que 2% pensent que je suis une sportive. Gâtons la minorité.

En me réveillant ce matin, j’ai mis quelques minutes à me rappeler que la soirée de la veille avait été particulièrement éprouvante. Sur le moral parental, surtout (il a deux ans, ce petit), mais aussi sur la malade. J’ai pleuré. Mon look cadavérique, mes ongles qui noircissent sous les brillants de mon party de bureau, mon impuissance.

Puis, j’ai décidé d’être une combattante et d’aller reconduire mon fils à la garderie en joggant ce matin. Et comme pour toute «épreuve» sportive dans laquelle je m’engage, je me suis fixé un objectif irréaliste, un objectif réaliste et un objectif du désespoir. Genre : demi-marathon en deux heures, demi-marathon complété et demi-marathon pas la dernière please-please-please. Bref : jogger tout le long, réaliser 8min/km et revenir vivante…

J’ai donc enfilé mes collants, mes espadrilles et, après une bataille d’une demi-heure avec fiston (à deux contre un), je me suis élancée dans «ça de neige», poussant un Charlot hurleur. Par chance, la sirène s’est arrêtée avant la rue Walton, après que fiston ait gagné le combat contre le pare-brise du Chariot.

Rendue à Portland, j’étais un peu à bout de souffle. J’ai piqué à côté de feu Plein-soleil où j’ai rencontré Stéphane, mon ex-collègue récemment congédié. Ça m’a fait du bien de lui parler (et de reprendre mon souffle tsé), sachant que je n’ai pas toujours eu la fibre empathique avec lui.

Poursuivant mon chemin, j’ai repensé aux paroles de mon chum : «marche la côte». Elle est bonne. J’étais même pas rendue à Dominion que je marchais, ça promettait. En plein milieu, je me suis arrêtée pour vérifier l’état de mon rejeton-sans pare-brise. Rendue en haut, j’ai adopté un petit trot mirage question de passer la tête haute devant la maison d’une combattante…

Dernière côte avant la garderie, un grondement attire mon attention : la chenillette s’apprête à nous avaler!! Dans un dernier effort de guerre, j’atteint le stationnement de la garderie à temps pour que mon fils salue le conducteur de ladite chenillette.

Le retour s’est bien déroulé mais de retour à Portland, j’aurais pris un taxi. J’ai marché ma rue bien peinarde, contente de constater que j’avais «rattrapée» la postière. Me suis affalée sur mon divan, avec un chocolat chaud (qui annule tous mes efforts), j’ai regardé mon «data» et puis je me suis dit que j’avais au moins accompli une chose aujourd’hui : atteindre Prospect avant la chenillette.

FEC-100, troisième round

Samedi matin, 10h45. Fiston est chez grand-maman, mon chéri sur les pistes de ski, je regarde ma tasse de lait tourner dans le micro-ondes en me demandant qu’est-ce que je pourrais bien écrire dans ce billet. Inévitablement, je pense à cette mise en garde «Never stand in front of a microwave», prononcée à mon endroit il y a une éternité par un jeune homme prénommé Rain, ça ne s’invente pas. Puis, je me revois dans une des machines de résonance magnétique, tenter de sentir mes électrons spinner

En discutant avec l’oncologue lundi dernier, j’ai décidé de mettre une croix sur le spinning justement. Trop exigeant. J’ai soudainement peur que mon cœur lâche. Aucune restrictions pour le ski, peut-être le jogging, dans la mesure où je m’en tient à un effort raisonnable. Pas question de faire quatre heures de vélo… 2016 s’annonce trépidante!

Mardi matin, à mon traitement de chimio, j’ai rencontré une dame qui était arrière-grand-mère d’un enfant de trois ans et deux septuagénaires qui discutaient ebay et téléphones intelligents. On s’entend, j’exagère en écrivant «rencontré», puisque j’avais les yeux dans un roman plate ou les oreilles bouchées par des écouteurs n’écoutant rien. Les histoires du cancer des autres, très peu pour moi.

Après le traitement, depuis l’abri-bus, j’ai aperçu un homme d’une cinquantaine d’années, nu tête, marcher vers la sortie du stationnement, pancarte à la main. Un pouceux pas pouilleux. Son histoire à lui m’intéressait au plus haut point. J’aurais bien aimé savoir s’il a su regagner Québec plus vite qu’il l’aurait fait à bord d’un véhicule électrique. Il était toujours là lorsque le bus m’emmena vers la ville.

L’an dernier, lorsque j’ai fait ma fausse-couche, une résidente maladroite m’avait demandé si je m’étais rendue au CHUS à pied (sanguinolente). Je l’avais trouvée ridicule, voire stupide. À bord de l’autobus qui sillonne des rues que j’ai déjà arpentées à pied, je me rétracte. Elle est petite, cette ville.

Le trajet du bus numéro 7 m’a fait passer par le cimetière. Deux flashback me traversent. L’un de la mort-subite de Philippe, du chagrin de son frère, du bébé de neuf mois et de la toune de Vincent Vallières. L’autre de l’enterrement de ma grand-maman Marie-Paule, que l’on voulait éternelle malgré son âge, et de ma culpabilité vis-à-vis de mes autres grand-parents dont je ne me préoccupe visiblement pas assez de leur vivant.

Le reste de ma semaine s’est déroulée comme les deux autres semaines post-chimio que j’ai traversées : apathie, malaises, etc. Un jour 4 pas très jojo. Mais je suis de retour sur la pente ascendante (un petit faux-plat pas trop forçant) et j’espère que la météo sera clémente pour le ski dans les prochains jours!

Piste

Arrivés à la Grande halte, mon chum me suggère de revenir par la 1 plutôt que la 9, difficile. Je dois me rendre à l’évidence : il est midi, je n’ai mangé qu’un petit bol de céréales ce matin et, sans le poids de fiston, je peine à le suivre. Je me résous à revenir par ce qui doit être La piste de ski de fond la plus plate du Québec (c’est drôle comme j’oublie la plaine du St-Laurent, tout à coup!). J’y vais d’un «Je vais méditer» qui sonne un peu étrange.

En fait, j’entends joindre l’utile au désagréable en réparant mentalement mon billet de blogue de la veille. Celui dans lequel j’avais entrepris de vous raconter comme j’ai passé un beau jour de l’an à skier, jouer dehors et jouer au Boggle. Après avoir écrit «C’est mon jeu préféré. De tous les temps.», j’ai joué compulsivement sur Boogle.fr (deux batteries d’ordinateur) laissant en plan mon projet d’écriture.

De retour sur la 1, où ma technique est lamentable et tous les skieurs sont meilleurs que moi, concentrée sur le fait que la piste est donc plate, j’arrive tout à coup devant un magnifique paysage d’hiver. Le soleil perce derrière quelques nuages colorés, faisant briller le givre sur les restants d’arbres mort dans l’étang Huppé, c’est de toute beauté!

Réconciliée quelques instants avec mon parcours, je réalise à quel point cette balade en skis ressemble à mes traitements de chimiothérapie. Il y a des moments plus difficiles mais la majorité du temps, c’est juste plate. Attendre pendant deux-trois heures que les produits chimiques soient injectés ou parcourir un large sentier plat : c’est vraiment plate. Il n’appartient qu’à moi d’égayer tout cela.

C’est terriblement cliché de dire ça mais je me rends compte à quel point le chemin est plus important que la destination. Je n’ai plus dix-sept ans. À cet âge là, alors que je pleurnichais de n’avoir pas atteint le sommet du mont Blanc, Laurent m’avait bien parlé dans le cass. Cette semaine, je lui ai annoncé avoir le cancer, je l’ai senti profondément bouleversé, alors que je poursuivais ma quête de la tuque parfaite (je gèle de la tête c’est endurable).

«Je garde le moral», lui ai-je dit, les yeux secs. Je ne pense pas qu’il n’y ait autre chose de plus important que ça. À quoi bon souhaiter l’amour, la prospérité ou la santé? Pour la nouvelle année, je vous souhaite donc d’avoir le moral:)