Bonapace

Après avoir pleuré, hurlé, poussé pendant douze heures pour accoucher d’un enfant, tu te dis inévitablement « on recommence? ». Le cerveau humain a ceci de merveilleux qu’il nous permet d’oublier complètement l’intensité de la douleur. Enfin, le mien est comme ça. Une sacrée chance parce que sinon j’abandonnerais la chimio derechef.

C’est vrai que j’ai oublié comment c’était il y a trois ans. Mais c’est aussi vrai que c’est plus difficile cette fois-ci. Ça m’a pris un bon dix jours à fonctionner un minimum. Et comme un seul traitement n’aura pas suffi à détruire l’ennemi qui habite mes poumons : je rushe ma vie à marcher un kilomètre. En plus des effets secondaires habituels, j’ai des épisodes de douleur intense et je fais des crises de panique pour un rien.

Hier, je suis allée voir un spectacle de cirque avec mes amies. Je suis partie de là en pleurant comme une madeleine. Certes, le spectacle était un peu mélancolique, mais mes larmes émanaient plutôt d’une boule de panique. Pour moi, maximiser les moments passés ensemble, ça mets inévitablement l’accent sur le fait qu’on a un temps limité pour le faire. Ça me rappelle que je n’irai plus jamais à la Tohu avec mon fils. J’appréhendais aussi le retour à Sherbrooke. La possibilité que l’épisode de douleur intense se passe dans la voiture.

Évidemment qu’on m’a prescrit un opioïde pour soulager la douleur. Lorsque je me suis couchée, mon chéri m’a dit « sois à l’affût, n’attends pas que la douleur soit intense pour prendre une pilule». Mais il n’y a pas de signe, d’avertissement. Et parce que j’ai une peur bleue de développer une dépendance à ces petits cachets, j’en ai pris une demi. Une heure plus tard, l’heure que ça prend pour faire effet, la douleur était toujours plutôt intense. Bref, on a passé une belle soirée…

Tout ça à quatre jours de mon prochain traitement. Ça m’angoisse énormément. Bref, c’est pour tout ça que je ne réponds pas aux messages, que je ne donne pas les nouvelles que je devrais donner, ni les remerciements qui s’imposent. Je trouve l’épreuve particulièrement difficile cette fois-ci.