Coups de pédales

En m’accueillant tantôt, mon oncologue a comparé la fin de ma chimio à la fin des étapes alpines du tour de France. En ma capacité de pseudo-autiste, j’ai répondu que je préfère subir la chimiothérapie à pédaler les cols des Alpes… #slowclap

S’en est suivi un intéressant mais perturbant monologue sur l’entraînement de vélo de mon médecin traitant, un vrai médecin habitué à la performance.

Quant à moi, j’ai trois Sufferfest (entraînements de vélo) derrière la cravate, les jambes me brûlent un tantinet et j’espère maintenir le cap d’ici ma chirurgie, aka l’éléphant dans la pièce.

Ce n’est pas un hasard si je n’ai pas écrit de billet depuis deux semaines. Évidemment, il y a eu Pâques et la cabane à sucre, c’est-à-dire plusieurs centaines de kilomètres de voiture électrique. J’ai même rasé lutter un chien barbet à Gracefield.

Tout ça se passe la fin de semaine vous dites? C’est ça. Je passe mes journées de semaine à faire de la boulimie alimentaire et télévisuelle. Beaucoup trop de télé, beaucoup trop de chocolat.

C’est dans seize dodo, tous les Sufferfest du monde ne seront pas suffisant pour évacuer le stress qui m’habite (et perdre mes kilos-chocolat). Alors le silence radio risque de se poursuivre côté blogue, toutes mes excuses.

Endorphines

Je viens d’inscrire mon fils à sa première épreuve de course à pied : je me trouve un peu ridicule et ressens le besoin de me justifier. Au pire, on ramassera de belles roches le long du parcours, des roches à quinze piastres.

L’inscription n’est qu’un prétexte pour une activité en famille et pour me botter le cul. Rassurez-vous, je suis bien évachée dans un divan à l’heure où on se parle, récupérant comme il se doit de ma dernière dose de chimiothérapie. Mais j’ai les jambes qui me démangent et surtout l’esprit qui a envie de s’aérer.

C’est lundi post chimio, jour de rush sur la planète Cancer. Hier, j’ai retrouvé mon fils, séparé de moi de 25 km pendant moins de deux jours… Ce matin, j’étais clouée au lit, surtout d’avoir mal dormi. Une nuit de femme enceinte : pipi, malaises, pipi, listes mentales, pipi, etc. Puis, dès que mes hommes quittent la maison, la journée du diable commence.

Malêtre physique d’abord : j’ai faim mais la bouche râpeuse et l’oesophage en feu. J’ai mangé du thai zone pour déjeuner, des pâtes à rien pour dîner et de la salade de fruits en canne, miam. Bouffe de lendemain de brosse. J’ai soif mais je ne supporte plus la sensation de l’eau dans ma bouche. J’ai envie de boire le «dernier cidre» de mon chum, mais ce serait pas fin.

Je suis chanceuse tout de même, j’ai les jambes qui picotent un peu, c’est vrai, mais je vais enfourcher mon vélo tantôt pour aller chercher junior, pas de stress. Ma forme physique est exceptionnelle. J’halète en remontant la côte, c’est sûr, mais en partie parce que je m’entête à porter mon Kanuk au dégel. Chu ben, au soleil avec mon Kanuk.

C’est l’épreuve mentale du lundi de satan qui est la plus raide. C’est la journée où je m’imagine engloutir les épisodes de Gilmour Girls en pédalant dans la cave, entre deux brassées de lavage. Mais où je me déplace difficilement entre mon lit, le divan du salon et le divan de la cave. Je suis tannée de jouer au Boggle, à Trivial Pursuit, j’ai un record de pas d’allure à Jewels. J’ai lu tous mes livres de bibliothèque, les vieilles revues qui trainent dans ma tablette, le Devoir, la Presse+, la Tribune. Je connais mon fil Facebook par cœur. Je suis salement déprimée.

Je m’extirpe au dehors, vêtue de mon Kanuk, m’installe sur le perron sale, observe les sherbrookois mal se stationner, reluque un peu la peinture écaillée de la maison qui manque un peu d’amour et écris ce petit billet au soleil, même si j’ai pas mis de crème solaire. Je te promets que je vais écrire aussi quand j’irai mieux, quand les endorphines auront kické in.

Bientôt le bistouri

Dans mon dernier billet, j’affirmais être une ménagère. Plusieurs d’entre vous m’ont imaginée à quatre pattes en train de frotter mes parquets, preuve que j’ai été chiche sur les adjectifs : on aurait dû lire ménagère téléphage ou encore ménagère boulimique. Je mange du chocolat comme jamais, sous prétexte que la chimio pourrait bientôt m’enlever mes capacités gustatives et j’abuse de Netflix comme il n’est pas permis.

Bref, il y a des coins de poussière dans les escaliers, les planchers sont limite collants et j’ai peur quand mon fils échappe sa brosse à dents dans le lavabos. Si on ne vivait pas déjà légèrement au-dessus de nos moyens et que la tante Gisèle n’était pas si vieille, j’aurais une femme de ménage.

J’ai récemment fait un effort de guerre et fais le ménage dans certains papiers. Je suis tombée sur mes relevés de notes de l’université pour redécouvrir deux faits amusants. D’abord que la prof de rédaction était salement sévère parce que contrairement à mes lecteurs, elle ne me trouvait pas bonne pantoute, parmi des ingénieurs, faut le faire… Ensuite que j’aurais dû changer de branche, rushant comme c’est pas permis en chimie et excellant en informatique.

Tel était le thème de ma semaine au CAP jeunesse : l’informatique. Alors aucun preneur pour la grosse 50, je vais plutôt aller boire un jus vert avec Joëlle, qui proposait les sciences. Après ce camp de jour, ma cousine Julie (qui l’avait suivi une autre semaine) et moi on s’est mises à programmer sur son VIC 20, que de souvenirs!

De retour dans la réalité, j’ai insulté un résident aujourd’hui en affirmant que la médecine n’était pas une science, étant hautement aléatoire… Il était gentil pourtant, son seul défaut étant de ne pas connaître Patrick Nicol.

J’en connais maintenant un peu plus sur mon sort chirurgical. Je vais d’abord passer des examens permettant de constater l’efficacité de la chimiothérapie et de savoir si mes ganglions sont encore potentiellement porteurs de cancer. Il appert que ces petits coquins se sont montrés «sans cancer» à la biopsie et «avec cancer» au TEP-scan.

Après les examens, j’aurai à choisir avec la chirurgienne entre échantillonner un ganglion sentinelle pour qu’un pathologiste l’examine attentivement et enlever tous les ganglions. La première option entraîne un risque d’avoir à faire une deuxième chirurgie tandis que la deuxième augmente les risques d’avoir le bras enflé (évidemment, il y a un nom médical, ne soyez pas surpris que je n’aie rien retenu).

Quant à la tumeur elle-même, on peut déjà conclure qu’elle a assez réduit pour l’enlever sans faire de mastectomie totale. Par contre, étant donné la petite taille de mes seins, ça laisserait un sein pas mal difforme. La reconstruction en même temps que l’ablation n’est pas envisageable puisque j’aurai à subir des traitements de radiothérapie.

Je comprendrai un peu plus les options et enjeux à mon prochain rendez-vous dans trois semaines, en attendant, c’est ma dernière chimio demain, yé!

Féminité

L’autre soir, je suis allée voir Fabien Cloutier boire une bière-clamato avec Dominic Tardif. Non que je sois une groupie finie ou que j’aspire à intégrer la clique culturelle de Sherby. Plutôt que je m’ennuie à mourir et que j’essaie de sortir de chez moi un peu. Deux cinq à sept en quatre jours, je ne me peux plus! Avant de partir, j’ai laissé un Osso bucco dans le four et un gâteau aux carottes, question que mes hommes ne meurent pas de faim.

Je suis une ménagère. Ça amuse mon chum abondamment, moi, ça me déprime. Je ne peux pas croire que dans un passé pas si lointain, c’était le destin des femmes, à moins d’entrer en religion, que de passer leurs journées à faire des tâches ménagères et à bichonner leurs hommes. (Je les adore, mes hommes, en passant.)

C’est à pareille date l’an dernier que je me dotais du nom de domaine le plus réducteur de tous les temps : «la blonde de» en pleine journée internationale de la femme, bravo! J’aurais pu faire pire vous direz, comme être nommée ministre de la condition féminine et affirmer ne pas être féministe! Si vous voulez mon avis, il y a un(e) conseiller(ère) en communication qui devrait perdre sa job!

Toujours est-il que je suis tout sauf «la blonde de» (en temps normal, s’entend) mais que si on me demandait à brûle pour point si je suis féministe, je répondrais probablement que non, ce qui est absurde étant donné que j’exerce un métier non traditionnel, entre autres. Ma théorie à cinq cennes? Évidemment, comme les ministres, par ignorance. Mais aussi sans doute parce que je confond féminisme et féminité.

Rassurez-vous, je ne suis pas en train de vous annoncer que je suis trans, au contraire. Mais il reste que mon amour des jupes et des boucles d’oreille est très récent et que je ne niaisais pas quand je disais que moi pis le maquillage c’est vraiment pas au point. Si je n’avais jamais vécu l’allaitement et l’augmentation mammaire qui vient avec, je n’aurais probablement pas développé d’attachement à ma poitrine non plus.

Dans les prochains jours, j’aurai une date pour la chirurgie. Je saurai aussi l’ampleur de l’affaire. Mastectomie? Partielle? Totale? Double? Je suis complètement paniquée. Mon chéri a beau me dire que j’aurai une reconstruction (et augmentation, he wishes) en même temps, google images a tout ruiné…

Sur ce, je retourne à mes tâches ménagères, à ma boulimie et je me prépare pour ma deuxième sortie de vélo de l’année (techniquement, c’est l’hiver, je n’en suis pas peu fière!!). Heureusement, un semblant d’activité physique chasse le cafard de la ménagère.

p.s. Je paye la grosse 50 à la taverne au premier qui devine le thème de ma semaine au CAP jeunesse (photo) 😉

Taxotère-2

À pareille date l’an dernier, Mathieu et moi avons passé une partie de notre fin de semaine d’amoureux à l’urgence, parce qu’on avait soudainement découvert que ma fausse couche était une môle. Puis, on a filé à Montréal pour la fête des guimauves qui s’est allongée dans une Nuit Blanche mémorable. Cette année, on a fait plus simple : nuit blanche à l’urgence.

Il faut dire que quand j’ai raconté à l’oncologue l’épisode des deux thermomètres, il n’a pas beaucoup ri. Alors cette fois, 38°, on habille fiston et on se pointe à l’urgence. Il neige, la ville est tranquille. Mathieu me dépose à l’entrée et va se stationner. La panique s’empare de moi : j’emprunte la mauvaise porte, je constate simultanément l’absence de masque dans le distributeur et la densité d’humain malade dans la salle d’attente.

Les instructions sont plutôt claires : assoyez-vous sur les chaises rouges pour le triage. Une dame occupe trois sièges, je m’assois après elle, sur le bout de ma chaise. Quelques minutes plus tard, des gens arrivent et passent devant nous parce que visiblement, la dame aux trois sièges ne sait pas lire, elle n’attend pas du tout le triage. Je me mets à pleurer. La dame se confond en excuse, me demande mon prénom pour prier pour moi, sans jamais quitter les osties de chaises rouges.

Évidemment, je me sens complètement ridicule de paniquer pour «quelques minutes», surtout que je sais que je vais passer devant tout le monde. Mais je suis hystérique de même, j’imagine les infections nosocomiales roder autour de moi… Bref, mon tour arrive bien assez vite et on me trouve une salle d’isolation : la salle des plâtres.

L’urgence est tranquille, les gens sont zen. Mon infirmier est même un peu trop jovial à mon goût. Quand vient le temps d’utiliser mon port-à-cath, il ne sait pas trop quoi faire et demande l’aide d’une collègue. Ensemble, ils commentent abondamment l’absence de matériel stérile dans le «kit» de prélèvement, ce qui ne calme en rien ma panique en ce qui a trait aux risques d’infection.

Il faut dire que la salle des plâtres n’est pas équipée pour faire des prélèvements sanguins, apparement. On y trouve surtout des bandages, des atèles et des poids. On y passe une partie de la nuit, à dormir comme on peut avec en bruit de fond les lamentations d’un malheureux skieur. Les résultats indiquent que j’ai probablement la grippe, je peux retourner à la maison. Il est cinq heure, je marche à pas de tortue dans le stationnement enneigé. Trop vedge pour penser prendre une photo, vous aurez encore droit à un paysage quelconque!


Petite anecdote cocasse en terminant, j’ai finalement contacté le programme Victoire de la pharmaceutique pour «l’aide aux patients». C’est donc vrai que la compagnie rembourse la balance que l’assureur ne couvre pas, je ne comprends officiellement rien au système capitaliste…

La préposée : «pouvez-vous me dire combien vous avez payé la dernière fois?»

Moi : «870,98 $, madame»

La préposée : «…»

Moi : «Ah mais ça inclut le 5 $ de franchise de mon assureur»

La préposée : «eeee… et puis le coût total du médicament c’est quoi?»

Moi : «2891,59 $, madame»

La préposée : «… ah… eh… ouain, ça fait bien 30%»

Au moins, avec ça, je survis à la grippe.

Synophridie

Aujourd’hui dans l’une de mes quinze parties de Trivial Pursuit j’ai pogné une question dont la réponse était «mono-sourcil»!! Évidemment, je n’ai pas retenu le nom scientifique de cette affliction dont je souffre (j’ai dû travailler un peu pour en faire le titre de mon billet) mais j’ai gagné ma partie, c’est ça qui importe.

Ça m’amène à vous parler de ma pilosité, tant qu’à y être. Mes sourcils poussent. J’ai l’impression que je perds mes cils, mais ça c’est mon teint cadavérique qui fait ça. Mes poils de jambes poussent lentement mais ils poussent, mes poils d’aisselles non. Les quelques cheveux qui me restent poussent aussi, aux dires de mon chum (on est loin du centimètre par mois tsé). Bref, ce n’est pas clair.

Mes ongles sont maganés. Difficile de dire si c’est le vernis que je viens d’enlever parce qu’il ne recouvrait plus que les deux tiers de mes ongles, ou encore le dissolvant. Bref, je vais remettre du vernis question de ne pas les voir. J’ai opté pour le noir, je sais mon look emo/altern/Christiane Charette commence à être christment dépassé, désolée. La vérité c’est que j’ai passé de très longues minutes à tergiverser devant les couleurs, cherchant un vernis opaque pas trop flash. Pis j’ai pris celui à 1,99$.

C’est comme ça, je suis à la fois dépensière et gratteuse, une autre de mes contradictions. Mais le stress financier diminue : Mathieu travaille, on a trouvé quelqu’un pour reprendre le bail de la C-Max et puis ma compagnie d’assurance a accepté de payer 70% du médicament pas couvert par le système. La balance semble être assumé par la compagnie pharmaceutique elle-même, j’aime mieux pas trop m’interroger là-dessus.

Ma dépression aussi est terminée, fiou! Boone croit que c’est le mois de février qui fait ça, j’espère qu’il a raison et que ce n’est pas un effet secondaire de mes traitements… Parce qu’il m’en reste deux et que j’ai pas les nerfs très solides. Deux semaines pour me remettre physiquement, une semaine de santé mentale chambranlante, ça laisse pas beaucoup de temps pour le bonheur.

Il me restait aujourd’hui pour me faire plaisir et comme fiston est malade, je me suis occupée de lui à la place. Abattu par un vilain virus, il a dormi pendant une heure sur mes jambes comme un animal domestique. J’essaie de faire de l’humour là mais ledit virus me terrorise. La garderie est fermée parce que la gardienne est sur le cul depuis une semaine. J’ose à peine imaginer comment je vais «survivre» au virus.

Je ne m’inquièterai pas trop, j’ai toute une équipe de supporters qui allument des lampions virtuels pour moi 🙂

Creux de vague

Cette semaine, j’ai fait une dépression. Du moins, selon ma propre définition de dépression, qui n’a probablement rien à voir avec la vraie maladie, je m’en excuse. Bref, j’ai craqué, pleuré, imploré. Je me suis sentie dépassée.

Il faut dire que j’étais épuisée. D’abord parce que mon nouveau traitement a cet effet écrasant. Ensuite parce que mon chéri a commencé à travailler et que j’ai beaucoup marché pour transporter le petit à la garderie. Quatre aller-retours en trois jours, une quinzaine de kilomètres. En trois jours… Je vous aurait dit en trois heures que j’aurais été une patate… trois jours!!

En plus de la fatigue, mon nouveau traitement a beaucoup compromis ma capacité de m’alimenter correctement. La bouche pâteuse, les papilles en alerte, peu d’aliments ont réussi à entrer. Ajoutez un odorat ultra-sensible et un système digestif en détresse et vous avez une belle idée de l’état d’esprit dans lequel je me trouvais.

Mon amoureux qui me tombe dans la face pour une raison X a été suffisant pour ouvrir le robinet de mon désarroi. Mais exactement comme mon chum qui paniquait en fait pour des raisons Y et Z, ma détresse n’avait pas grand chose à voir avec ma fatigue ou mes malaises physiques. Internet. J’avais osé passer du temps sur le site de la société canadienne du cancer pour m’informer : grosse erreur.

Des tumeurs, des images de mastectomie, des pronostics, des statistiques : autant de sujets déprimants dont je n’avais pas besoin. Certains diront que je vis dans le déni, grand bien leur fasse. Le peu d’information pertinente qui m’a éclairée pèse très peu dans la balance à côté du stress inutile que le reste de l’information m’a apportée. Je préfère demeurer une patiente un peu naïve et mal informée qu’une patiente déprimée.

Fiston s’est fait garder pendant deux jours chez ses grand-parents permettant à son père de se gosser un hackintosh et à sa mère d’écouter beaucoup trop de télé, la crise a passé. Du moins celle-ci.

Taxotère-1

La fin de semaine dernière, j’ai eu le bonheur de passer de temps avec ma préado préférée. «Est-ce qu’on joue au Boggle», qu’elle m’a demandé, comment ne voulez-vous pas qu’elle soit ma préférée? Simone apprend le chinois et le latin. Depuis que le latin est arrivé dans sa vie, elle ne peut s’empêcher de décortiquer les mots. On n’a pas joué au Boggle mais je crois qu’elle m’aurait battue.

Je plonge dans le dictionnaire ce matin, car le mot «taxotère» m’intrigue. C’est le nom de mon nouvel agent chimiothérapique. En fait, je cherche le lien entre taxotère et taxidermie. Va savoir pourquoi, je me sens comme un animal qu’on empaille. Eh bien, les préfixes taxo et taxi signifient bien la même chose : organisation. Mais ils sont grecs et non latins : déception.

Mon nouveau traitement, ce n’est pas de la tarte. Je récupère beaucoup moins bien qu’avec le FEC. Je suis un escargot et j’ai toute une panoplie de malaises désagréables (pléonasme?). J’ai ressorti mon vernis à ongles brillant, cadeau de Noël du Jean Coutu, pour protéger mes ongles mais je me sens franchement ridicule. Tout sauf belle et bien dans ma peau.

J’ai finalement reçu le médicament semi-approuvé (perjeta). Mon assureur a accepté de payer, je ne comprends pas trop comment ça fonctionne et je trouve ça emmerdant d’avoir à transiger avec tous ces humains. Au final, je comprends que certains de mes ganglions «suspects» ne seront pas opérables alors il faut mettre le paquet sur la chimio.

Après avoir visionné la vidéo d’une jeune femme désespérée de Gatineau dont le cancer s’est propagé monstrueusement et à qui on a dit ne plus rien pouvoir faire pour elle, j’ai versé une petite larme. J’ai réalisé que je comprenais plus «la patante» que je pensais et surtout je me suis sentie franchement privilégiée d’être traitée au CHUS. Il faut sans doute avoir été opéré par un gynécologue tremblant de passage à Maniwaki pour comprendre…

Mon moral tient bon malgré tout. L’inquiétude ne prend jamais le dessus sur l’espoir. Je me sens tout de même beaucoup plus vulnérable qu’avant. L’épisode de fièvre que nous avons vécu il y a quelques jours a été particulièrement éprouvant. Si la température corporelle se maintient à 38oC pendant une heure ou si elle atteint 38,3oC, on doit se rendre à l’urgence, disent les instructions.

Imaginez deux ingénieurs, deux thermomètres et des résultats de 37,8oC… J’ai suggéré à mon chum de m’installer un microcontrôleur avec acquisition de données en continu (comme on a dans la douche, pour l’humidité) pour qu’il puisse suivre ma température sur un graphique en direct de son ordi. Il m’a répondu d’aller au CHUS en autobus 🙂

ZiMed

Il y a quelques années, j’ai arrêté d’écrire une chronique dans l’Info de feu-St-Élie-d’Orford parce que trop de mes nouveaux collègues étaient susceptibles de la lire. Aujourd’hui, alors que j’écrivais d’abord pour informer mes collègues, amis et parents, je tremble à l’idée que de purs étrangers lisent mes billets. Parce que je peux écrire des énormités, voire des niaiseries. Parce que j’écris pour partager ma pensée et non pour influencer les autres.

Du temps de l’Info, j’écrivais souvent sous pression, le surlendemain de la date de tombée. Aujourd’hui, j’ai la liberté d’écrire mon n’importe quoi quand ça me tente, quand le sujet me trotte dans la tête au point de m’empêcher de dormir. Cette fois-ci je marche un peu sur des œufs car mon sujet est tabou et délicat : l’argent.

Je ne veux pas revenir sur le 100 $ que j’ai choisi de payer pour l’échographie que j’attendais depuis six mois et qui aurait eu lieu la semaine suivante. Bien que je crois, comme plusieurs, que les salaires des médecins spécialistes sont généreux et que je rêve qu’un gestionnaire quelconque trouve comment améliorer l’accès aux médecins de famille ainsi que les conditions de travail des infirmières, je n’ai pas grand chose à dire sur notre système de santé.

C’est plutôt des coûts extérieurs au système dont je veux parler. Avoir le cancer, ça coûte cher. D’abord, il faut avoir les moyens d’être au chômage. Je joue la superhéroïne qui passe ses temps libres sur les pistes de ski mais dans les faits, si j’étais au bureau, je craquerais au premier appel de client hostile, je vous le garantie. En théorie, je pourrais travailler, en pratique, je ne serais pas efficace. Une diminution de revenu donc, pour une année dans mon cas.

Viennent ensuite les coûts des médicaments. Car même si la chimiothérapie est payée par le système (j’ai entendu un infirmier parler de 12 000 $ pour un seul traitement, ce n’est pas rien), on doit payer les médicaments qui nous aident à passer à travers. L’assurance en paie une partie, et je présume que j’aurai des déductions d’impôt, mais il reste que ça me coûte près de 1 000 $ à chaque traitement, donc près de 6 000 $ pour contrer les nausées et maintenir mon système immunitaire en fonction. Je doute que ce soit à la portée de toutes les bourses…

Ma rogne aujourd’hui ne vient pas de ça pourtant, mais plutôt du médicament non-approuvé que mon oncologue me propose de prendre. Médicalement parlant, j’ai pris ma décision, je suis les conseils du spécialiste. Mais je dois faire un suivi auprès de la compagnie pharmaceutique, de mon assureur et de l’hôpital, ce qui me place très en dehors de ma zone de confort. Je me sens coupable de ne pas vouloir payer pour augmenter mes chances de survie. À suivre.

Au chapitre des bonnes nouvelles, le généticien n’a pas trouvé de raison de croire que j’aurais des prédispositions génétiques au cancer, ce qui, au final, améliore mon assurabilité.

C6470H10012N1726O2013S42

La semaine prochaine, je change de «cocktail» de chimiothérapie. Je me suis dit que j’allais me forcer un peu, m’intéresser aux produits, me documenter, poser des questions. Bof. N’allez pas penser que le cancer m’a changée, la chimie organique pis moi, on ne s’est pas réconciliés. Mais la formule chimique de l’Herceptin est trop géniale (C6470H10012N1726O2013S42), ça ferait un foutu beau bricolage. Ça ou des mandalas, même combat!

Comme c’est une «bonne semaine», je vais plutôt consacrer mon temps à tenter de parfaire ma technique de skieuse. Hier, je me suis retrouvée en pleine face, j’ai eu mal à l’ego. Et comme mon chéri avait choisi une piste plus difficile, je me suis retrouvée toute seule à pleurer pour rien… Pas facile!

Je ne sais pas s’il y a un gène «sportif» mais je peux vous garantir que je ne l’ai pas. J’espère que fiston tiendra de son père. Samedi dernier, à son premier cours d’éveil à l’activité sportive, il a démontré qu’il était aussi timide que sa mère, mais ça c’est une autre histoire! Quand l’animatrice m’a demandé quelle activité il avait préféré, je suis restée vague, incapable d’avouer qu’il maniait un peu trop bien le bâton d’hockey à mon goût.

Entendez-moi bien, je n’ai rien contre les gens qui aiment le hockey, c’est juste contre ma religion. J’en ai contre le sport professionnel en général et ses salaires exorbitants. Je me calmerai le jour où quelqu’un m’expliquera comment le partisan-moyen peut chigner qu’il pait trop d’impôts et se payer un billet à 100$ et des bières imbuvables à 10$. M’enfin, je m’égare.

Je m’égare mais je ne suis pas perdue. Je n’adhère à aucune religion, pour toutes sortes de raisons. La principale étant probablement que mon père me rabâche les oreilles depuis près de quarante ans avec tous les travers de la religion catholique à laquelle on «appartient» pourtant. Bref, s’il est heureux de s’en être «débarrassé», moi, la cassure me laisse un peu perplexe.

Pas que j’aie besoin d’endoctrinement mais je trouve que l’athéisme a ceci de sournois qu’il n’a ni cadre, ni vocabulaire propre. En somme, quand on me pose des questions sur mon «combat», j’ai franchement l’air de m’en foutre et de me laisser porter alors que dans les faits, j’y réfléchis (surtout sur les pistes de ski).

J’aimerais bien être assez intelligente pour comprendre comment les médicaments que l’on m’injecte inhibent la croissance tumorale mais comme ce n’est pas possible, je me contente de subir le traitement et d’espérer son efficacité. Namaste et bonne journée!

Billet d'humeur