Chimio

Trois dix-roues

-Te trouves-tu belle?

-Neon

-…je ne voudrais pas en ajouter, mais tu pues aussi

Je rêve d’une douche chaude, interminable, à faire grimper mon empreinte écologique au-delà du supportable. Plus que deux jours avant de faire enlever les agrafes de mon port-à-cath et demi. Et demi, parce que c’était pas suffisant de rusher pour installer un cathéter sous échographie et de stresser pour l’intervention pleine conscience, l’installation du même côté que le précédent s’est soldé par un échec et on a dû tout recommencer de l’autre côté. Du côté où en principe on ne fait rien, puisque je n’ai plus de ganglions.

Un dix-roues d’agrafes, de picotements et de pestilence, donc.

On a ensuite voulu savoir pourquoi l’installation à gauche avait échoué. Les gentilles infirmières du septième avec qui j’avais passé la journée m’ont installé un nouveau cathéter, un peu plus petit que celui que la technologue avait demandé.

-Ben voyons, pas moyen d’avoir ce qu’on demande

-[larmes abondantes]

-J’ai demandé un vingt, pas un dix-huit

-[larmes abondantes et tressaillement]

-Sont juste pas capables de suivre des instructions simples

-[Avec tout mon courage de trypanophobe qui s’est fait piquer dix-sept fois dans la semaine] Écoutez, hier, on a dû avoir recours à l’échographie pour m’installer un cathéter, elles ont voulu bien faire

-On va l’appeler, l’infirmière qui pique sous échographie, venez brailler ici

Elle est venue, elle a piqué. Au moment de l’injection de l’iode, j’ai su que quelque chose n’allait pas, ça brûlait. Comme je braillais depuis mon arrivée dans son antre, la technologue a fait fi de mes caprices et m’a injecté l’iode. Tout l’iode. Résultat : outre la brûlure, une bosse immonde et douloureuse que mon système lymphatique allait drainer, ou pas.

-Ben c’est ça, on va utiliser LEUR cathéter d’abord

-[larmes abondantes]

-Mais l’examen ne sera pas aussi concluant

Oui, j’exagère sans doute puisque j’avais déjà une bonne quinzaine d’heures d’hôpital dans le corps. Non, je n’ai pas pris les coordonnées de la gentille dame pour qu’on devienne amies. Ma veine cave est bouchée pis j’ose pas trop en googler les implications.

Un dix-roues de stress, bref.

Le lendemain, retour à l’hôpital pour le traitement de Taxotère. Les doigts dans la glace à rigoler en écoutant ma balado préférée. Retour en autobus, peinarde. Le calme avant la tempête. Les amies sont venues, on a dansé. Puis, le stress a embarqué, suivi de l’incroyable raz-de-marée de malaises physiques. Je ne peux pas croire que j’ai déjà comparé la chimio à un lendemain de brosse, c’est vraiment pas ça. C’est plus comme un sevrage digne d’une scène de Trainspotting. Le dix-roues ne te frôle pas en bécyk sur une route à trois chiffres, il t’éffouerre dans le viaduc montréalais.

Un dix-roues chimique.

Une réflexion sur « Trois dix-roues »

  1. Tu aimerais peut-être la bd « Comment le cancer m’a fait aimer la télé et les mots croisés » de Miriam Engelberg (en anglais, How cancer made me a superficial person). J’ai tellement aimé que j’en ai oublié la nausée et les étourdissements.

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