Aphonie

Samedi dernier, soir de partys de bureau, je suis restée à la maison avec un début de rhume. Le lendemain fût une démonstration parfaite de mon analogie du lendemain de brosse. Moi, amochée par le traitement et Mathieu, amoché par l’alcool. Même combat. Fils de cinq ans abandonné à son monde imaginaire.

Le rhume a été particulièrement intense. Aucun signe de fièvre, ceci dit, mais un mal de gorge et les sécrétions qui vont avec. Avec les saignements de nez, ça n’a pas été simple à gérer. Et les appels téléphoniques d’une voix d’ado qui mue, épiques. J’ai bien essayé d’utiliser les rudiments de langage des signes que je connais pour communiquer avec le fils, sans trop de succès. Bref, une extinction de voix, aucun dix-roue cette fois.

J’ai évidemment une théorie à cinq cennes pour expliquer à quel point je l’ai eu facile pour ce deuxième traitement. D’abord, le degré de stress qui a précédé le premier n’a pas dû aider. Le changement de médication pour éclaircir le sang (probablement à l’origine des douleurs intenses relatées dans mon billet précédent) a aussi changé ma vie. La magie ultime, je l’attribue au fait que mon poids n’avait pas été ajusté dans mon dossier et que ma dose était peut-être trop forte lors du premier traitement. Ça vaut cinq cennes, mais ça me suffit.

Ça augure bien pour le temps des fêtes et pour la suite, donc. Je ne suis pas en forme au point de jogger (par une nuit d’insomnie, je me suis prise à rêvasser de combien ce serait chouette d’aller courir), mais je ne devrais pas vous dormir dans la face à l’heure du souper. Mon équilibre lecture/visionnement de séries de qualité douteuse est aussi rétabli. Bref, le moral est bon.

p.s. Si jamais l’opération estampillage de patates vous intéresse, sachez que ça n’a pas été de la tarte et que j’ai dû sortir mon  « kit » des années quatre-vingt avec une vitre et un rouleau. Et que le fils n’a pas tant participé/trippé. Sincèrement, la sculpture des patates était trippante, si on oublie que j’ai contaminé le compost et pollué l’eau.

Bonapace

Après avoir pleuré, hurlé, poussé pendant douze heures pour accoucher d’un enfant, tu te dis inévitablement « on recommence? ». Le cerveau humain a ceci de merveilleux qu’il nous permet d’oublier complètement l’intensité de la douleur. Enfin, le mien est comme ça. Une sacrée chance parce que sinon j’abandonnerais la chimio derechef.

C’est vrai que j’ai oublié comment c’était il y a trois ans. Mais c’est aussi vrai que c’est plus difficile cette fois-ci. Ça m’a pris un bon dix jours à fonctionner un minimum. Et comme un seul traitement n’aura pas suffi à détruire l’ennemi qui habite mes poumons : je rushe ma vie à marcher un kilomètre. En plus des effets secondaires habituels, j’ai des épisodes de douleur intense et je fais des crises de panique pour un rien.

Hier, je suis allée voir un spectacle de cirque avec mes amies. Je suis partie de là en pleurant comme une madeleine. Certes, le spectacle était un peu mélancolique, mais mes larmes émanaient plutôt d’une boule de panique. Pour moi, maximiser les moments passés ensemble, ça mets inévitablement l’accent sur le fait qu’on a un temps limité pour le faire. Ça me rappelle que je n’irai plus jamais à la Tohu avec mon fils. J’appréhendais aussi le retour à Sherbrooke. La possibilité que l’épisode de douleur intense se passe dans la voiture.

Évidemment qu’on m’a prescrit un opioïde pour soulager la douleur. Lorsque je me suis couchée, mon chéri m’a dit « sois à l’affût, n’attends pas que la douleur soit intense pour prendre une pilule». Mais il n’y a pas de signe, d’avertissement. Et parce que j’ai une peur bleue de développer une dépendance à ces petits cachets, j’en ai pris une demi. Une heure plus tard, l’heure que ça prend pour faire effet, la douleur était toujours plutôt intense. Bref, on a passé une belle soirée…

Tout ça à quatre jours de mon prochain traitement. Ça m’angoisse énormément. Bref, c’est pour tout ça que je ne réponds pas aux messages, que je ne donne pas les nouvelles que je devrais donner, ni les remerciements qui s’imposent. Je trouve l’épreuve particulièrement difficile cette fois-ci.