Synophridie

Aujourd’hui dans l’une de mes quinze parties de Trivial Pursuit j’ai pogné une question dont la réponse était «mono-sourcil»!! Évidemment, je n’ai pas retenu le nom scientifique de cette affliction dont je souffre (j’ai dû travailler un peu pour en faire le titre de mon billet) mais j’ai gagné ma partie, c’est ça qui importe.

Ça m’amène à vous parler de ma pilosité, tant qu’à y être. Mes sourcils poussent. J’ai l’impression que je perds mes cils, mais ça c’est mon teint cadavérique qui fait ça. Mes poils de jambes poussent lentement mais ils poussent, mes poils d’aisselles non. Les quelques cheveux qui me restent poussent aussi, aux dires de mon chum (on est loin du centimètre par mois tsé). Bref, ce n’est pas clair.

Mes ongles sont maganés. Difficile de dire si c’est le vernis que je viens d’enlever parce qu’il ne recouvrait plus que les deux tiers de mes ongles, ou encore le dissolvant. Bref, je vais remettre du vernis question de ne pas les voir. J’ai opté pour le noir, je sais mon look emo/altern/Christiane Charette commence à être christment dépassé, désolée. La vérité c’est que j’ai passé de très longues minutes à tergiverser devant les couleurs, cherchant un vernis opaque pas trop flash. Pis j’ai pris celui à 1,99$.

C’est comme ça, je suis à la fois dépensière et gratteuse, une autre de mes contradictions. Mais le stress financier diminue : Mathieu travaille, on a trouvé quelqu’un pour reprendre le bail de la C-Max et puis ma compagnie d’assurance a accepté de payer 70% du médicament pas couvert par le système. La balance semble être assumé par la compagnie pharmaceutique elle-même, j’aime mieux pas trop m’interroger là-dessus.

Ma dépression aussi est terminée, fiou! Boone croit que c’est le mois de février qui fait ça, j’espère qu’il a raison et que ce n’est pas un effet secondaire de mes traitements… Parce qu’il m’en reste deux et que j’ai pas les nerfs très solides. Deux semaines pour me remettre physiquement, une semaine de santé mentale chambranlante, ça laisse pas beaucoup de temps pour le bonheur.

Il me restait aujourd’hui pour me faire plaisir et comme fiston est malade, je me suis occupée de lui à la place. Abattu par un vilain virus, il a dormi pendant une heure sur mes jambes comme un animal domestique. J’essaie de faire de l’humour là mais ledit virus me terrorise. La garderie est fermée parce que la gardienne est sur le cul depuis une semaine. J’ose à peine imaginer comment je vais «survivre» au virus.

Je ne m’inquièterai pas trop, j’ai toute une équipe de supporters qui allument des lampions virtuels pour moi 🙂

Creux de vague

Cette semaine, j’ai fait une dépression. Du moins, selon ma propre définition de dépression, qui n’a probablement rien à voir avec la vraie maladie, je m’en excuse. Bref, j’ai craqué, pleuré, imploré. Je me suis sentie dépassée.

Il faut dire que j’étais épuisée. D’abord parce que mon nouveau traitement a cet effet écrasant. Ensuite parce que mon chéri a commencé à travailler et que j’ai beaucoup marché pour transporter le petit à la garderie. Quatre aller-retours en trois jours, une quinzaine de kilomètres. En trois jours… Je vous aurait dit en trois heures que j’aurais été une patate… trois jours!!

En plus de la fatigue, mon nouveau traitement a beaucoup compromis ma capacité de m’alimenter correctement. La bouche pâteuse, les papilles en alerte, peu d’aliments ont réussi à entrer. Ajoutez un odorat ultra-sensible et un système digestif en détresse et vous avez une belle idée de l’état d’esprit dans lequel je me trouvais.

Mon amoureux qui me tombe dans la face pour une raison X a été suffisant pour ouvrir le robinet de mon désarroi. Mais exactement comme mon chum qui paniquait en fait pour des raisons Y et Z, ma détresse n’avait pas grand chose à voir avec ma fatigue ou mes malaises physiques. Internet. J’avais osé passer du temps sur le site de la société canadienne du cancer pour m’informer : grosse erreur.

Des tumeurs, des images de mastectomie, des pronostics, des statistiques : autant de sujets déprimants dont je n’avais pas besoin. Certains diront que je vis dans le déni, grand bien leur fasse. Le peu d’information pertinente qui m’a éclairée pèse très peu dans la balance à côté du stress inutile que le reste de l’information m’a apportée. Je préfère demeurer une patiente un peu naïve et mal informée qu’une patiente déprimée.

Fiston s’est fait garder pendant deux jours chez ses grand-parents permettant à son père de se gosser un hackintosh et à sa mère d’écouter beaucoup trop de télé, la crise a passé. Du moins celle-ci.

Taxotère-1

La fin de semaine dernière, j’ai eu le bonheur de passer de temps avec ma préado préférée. «Est-ce qu’on joue au Boggle», qu’elle m’a demandé, comment ne voulez-vous pas qu’elle soit ma préférée? Simone apprend le chinois et le latin. Depuis que le latin est arrivé dans sa vie, elle ne peut s’empêcher de décortiquer les mots. On n’a pas joué au Boggle mais je crois qu’elle m’aurait battue.

Je plonge dans le dictionnaire ce matin, car le mot «taxotère» m’intrigue. C’est le nom de mon nouvel agent chimiothérapique. En fait, je cherche le lien entre taxotère et taxidermie. Va savoir pourquoi, je me sens comme un animal qu’on empaille. Eh bien, les préfixes taxo et taxi signifient bien la même chose : organisation. Mais ils sont grecs et non latins : déception.

Mon nouveau traitement, ce n’est pas de la tarte. Je récupère beaucoup moins bien qu’avec le FEC. Je suis un escargot et j’ai toute une panoplie de malaises désagréables (pléonasme?). J’ai ressorti mon vernis à ongles brillant, cadeau de Noël du Jean Coutu, pour protéger mes ongles mais je me sens franchement ridicule. Tout sauf belle et bien dans ma peau.

J’ai finalement reçu le médicament semi-approuvé (perjeta). Mon assureur a accepté de payer, je ne comprends pas trop comment ça fonctionne et je trouve ça emmerdant d’avoir à transiger avec tous ces humains. Au final, je comprends que certains de mes ganglions «suspects» ne seront pas opérables alors il faut mettre le paquet sur la chimio.

Après avoir visionné la vidéo d’une jeune femme désespérée de Gatineau dont le cancer s’est propagé monstrueusement et à qui on a dit ne plus rien pouvoir faire pour elle, j’ai versé une petite larme. J’ai réalisé que je comprenais plus «la patante» que je pensais et surtout je me suis sentie franchement privilégiée d’être traitée au CHUS. Il faut sans doute avoir été opéré par un gynécologue tremblant de passage à Maniwaki pour comprendre…

Mon moral tient bon malgré tout. L’inquiétude ne prend jamais le dessus sur l’espoir. Je me sens tout de même beaucoup plus vulnérable qu’avant. L’épisode de fièvre que nous avons vécu il y a quelques jours a été particulièrement éprouvant. Si la température corporelle se maintient à 38oC pendant une heure ou si elle atteint 38,3oC, on doit se rendre à l’urgence, disent les instructions.

Imaginez deux ingénieurs, deux thermomètres et des résultats de 37,8oC… J’ai suggéré à mon chum de m’installer un microcontrôleur avec acquisition de données en continu (comme on a dans la douche, pour l’humidité) pour qu’il puisse suivre ma température sur un graphique en direct de son ordi. Il m’a répondu d’aller au CHUS en autobus 🙂