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L’année du cochon

L’une des instructions claires lorsque tu es sous chimiothérapie, c’est qu’au moindre signe de fièvre, tu te rends à l’urgence. La dernière fois que j’ai suivi cette instruction à la lettre, je me suis ramassée en isolement, avec ma diarrhée de chimio et on m’a retiré mon port-à-cath.

Alors le mois dernier, lorsque j’ai vécu des épisodes de fièvre, je les ai laissés passer, à cause de cette peur bleue de ne plus avoir de port-à-cath: la tête de cochon a gagné sur les instructions. Mon oncologue m’a quelque peu réprimandée.

Au cycle de traitement suivant, les épisodes, qui se manifestent le soir seulement, se sont multipliés et ma température corporelle a augmentée. Je me suis donc dirigée à l’urgence, à reculons, et l’aventure a commencé.

On a cherché en vain une infection, puis on m’a montée passer un examen. Arrivée là-bas, j’ai eu la surprise de me retrouver à l’endroit où on m’a injecté de l’iode à côté de la veine en novembre. S’en est suivi une belle crise de panique et une réticence majeure à l’installation d’un cathéter. Je l’ai fait, ça a brûlé, sans toutefois passer à côté. 

En pleine nuit, on m’a transférée de l’urgence à l’étage, sans trop me demander mon avis. Depuis, je suis dans une chambre à quatre sous antibiotiques en prévention. Aucun examen n’est prévu, on me dit six fois par jour que ma pression est basse et je déprime.

Hier, j’ai essayé de négocier une sortie. On a enlevé mon antibiotique, j’ai fait de la fièvre sans bon sens, échec de la tentative d’évasion. Je suis donc condamnée à rester ici écouter mes cochambreurs vomir et se plaindre.

Même s’il ne lit pas mon blogue, mon chum est toujours sur mon dos lorsque je « mange mon prochain » alors vous n’aurez pas la chance de lire les péripéties des Lavigueur de Granby (le fils cherche le meilleur spot pour se faire tatouer la face de son gars: pas trop près des totons c’est de là qu’il engraisse) et du carencé affectif cassé de Stanstead (il a passé pas moins de huit appels entre 7h30 et 9h30, pour raconter sa nuit et emprunter du cash). Dommage, ce sont de très beaux personnages.

Je n’ai pas demandé de chambre semi-privée d’abord parce que je crayons mon séjour temporaire. Maintenant que j’ai l’impression que je vais passer le restant de ma vie ici j’hésite un peu. Voilà, j’entame ma quatrième journée d’hospitalisation et j’ai déjà presque perdu la boule. Mais je mange tout ce qu’on me donne, comme un cochon.

Trois dix-roues

-Te trouves-tu belle?

-Neon

-…je ne voudrais pas en ajouter, mais tu pues aussi

Je rêve d’une douche chaude, interminable, à faire grimper mon empreinte écologique au-delà du supportable. Plus que deux jours avant de faire enlever les agrafes de mon port-à-cath et demi. Et demi, parce que c’était pas suffisant de rusher pour installer un cathéter sous échographie et de stresser pour l’intervention pleine conscience, l’installation du même côté que le précédent s’est soldé par un échec et on a dû tout recommencer de l’autre côté. Du côté où en principe on ne fait rien, puisque je n’ai plus de ganglions.

Un dix-roues d’agrafes, de picotements et de pestilence, donc.

On a ensuite voulu savoir pourquoi l’installation à gauche avait échoué. Les gentilles infirmières du septième avec qui j’avais passé la journée m’ont installé un nouveau cathéter, un peu plus petit que celui que la technologue avait demandé.

-Ben voyons, pas moyen d’avoir ce qu’on demande

-[larmes abondantes]

-J’ai demandé un vingt, pas un dix-huit

-[larmes abondantes et tressaillement]

-Sont juste pas capables de suivre des instructions simples

-[Avec tout mon courage de trypanophobe qui s’est fait piquer dix-sept fois dans la semaine] Écoutez, hier, on a dû avoir recours à l’échographie pour m’installer un cathéter, elles ont voulu bien faire

-On va l’appeler, l’infirmière qui pique sous échographie, venez brailler ici

Elle est venue, elle a piqué. Au moment de l’injection de l’iode, j’ai su que quelque chose n’allait pas, ça brûlait. Comme je braillais depuis mon arrivée dans son antre, la technologue a fait fi de mes caprices et m’a injecté l’iode. Tout l’iode. Résultat : outre la brûlure, une bosse immonde et douloureuse que mon système lymphatique allait drainer, ou pas.

-Ben c’est ça, on va utiliser LEUR cathéter d’abord

-[larmes abondantes]

-Mais l’examen ne sera pas aussi concluant

Oui, j’exagère sans doute puisque j’avais déjà une bonne quinzaine d’heures d’hôpital dans le corps. Non, je n’ai pas pris les coordonnées de la gentille dame pour qu’on devienne amies. Ma veine cave est bouchée pis j’ose pas trop en googler les implications.

Un dix-roues de stress, bref.

Le lendemain, retour à l’hôpital pour le traitement de Taxotère. Les doigts dans la glace à rigoler en écoutant ma balado préférée. Retour en autobus, peinarde. Le calme avant la tempête. Les amies sont venues, on a dansé. Puis, le stress a embarqué, suivi de l’incroyable raz-de-marée de malaises physiques. Je ne peux pas croire que j’ai déjà comparé la chimio à un lendemain de brosse, c’est vraiment pas ça. C’est plus comme un sevrage digne d’une scène de Trainspotting. Le dix-roues ne te frôle pas en bécyk sur une route à trois chiffres, il t’éffouerre dans le viaduc montréalais.

Un dix-roues chimique.

Se débattre avec le cancer

Le mois dernier, LeDevoir publiait une série d’article sur le cancer, incluant une réflexion de l’ami Dominic sur le vocabulaire et la symbolique entourant la maladie. C’était deux jours après que j’aie apris que le cancer était officiellement revenu dans ma vie. L’amoureux m’a pointé les gants de boxes, puis le mot « perdant ».

La nouvelle est tout de même venue avec un certain soulagement, venant expliquer l’incroyable malaise que je ressentais depuis un moment. Mon incapacité à courir normalement n’était pas simplement due à l’incroyable paresse qui a accompagné la canicule de cet été, fiou! Je peux limiter mes remords de ne pas avoir suivi mes belles résolutions post-burn-out et d’avoir priorisé le travail et le soin des autres au détriment de moi-même : l’ennemi a bel et bien envahi mon corps.

Je vous épargne les détails glauques de l’envahissement, c’est pas beau beau. L’oncologue croit néanmoins que la chimio réussira à chasser les masses et métastases, sans pouvoir toutefois anticiper à quel point et pour combien de temps. Excusez cette annonce brutale: je ne guérirai pas.

Une fois ce choc encaissé, il reste que je fais entièrement confiance à la médecine pour me garder hors du pétrin le plus longtemps possible et que, au final, ce qui importe dans l’immédiat c’est de vivre le présent avec mes proches. J’ignore si je poursuivrai la rédaction du blogue. Probablement, puisque cela me permet de ventiler (juste cette semaine, j’en aurais pour des pages et des pages…) mais surtout, parce que communiquer avec une personne à la fois demande beaucoup d’énergie.

Le projet de l’amoureux, c’est de nous faire inviter à souper par tout le monde et de maximiser nos interactions sociales. Une semaine sur trois, ce ne sera pas l’idéal, mais sinon, amenez votre pâté chinois quand vous voulez! (Sauf si vous êtes une Claudette que je ne connais pas, no offense). Un apéro, un après-midi play-date avec le fils : on est ouvert.

Parlons-en, du fils. Il vient à peine de rattraper son retard de langage et son vocabulaire est encore limité, mais il m’a sorti ceci, chez le dentiste l’autre matin, alors que je le pressais (non!) de peur d’être en retard à un rendez-vous important :

C         Dépêche-toi, maman a un rendez-vous elle aussi

C-A     Ah oui, où ça?

C         À l’hôpital

C-A     Pourquoi?

C         Je vais voir le médecin, je suis malade

C-A     Oh, je ne veux pas te perdre

« Te perdre », sacrament, il a pogné ça où? N’empêche, il n’est pas con ce fils, il comprend beaucoup de choses. Nous sommes évidemment à la recherche d’un support psychologique externe pour ce beau garçon, si vous avez des plogues ce serait apprécié car nos recherches ne sont pas fructueuses pour l’instant.

Je vous laisse avec une image de mon fiston chéri qui m’a inspiré le titre de ce billet. Entré de (ou à) la garderie, il secoue frénétiquement mains et pieds pour expulser mitaines et bottes. Il se débat contre l’usage des velcros? Je me débats contre des cellules anormales hostiles.

Bisous

Bye bye 2016

Dans l’épisode précédent, je vous racontais comment la sympathique Vanna (nom fictif), agente d’assurance de son état, m’annonçait que mes traitements terminés, je n’avais plus aucune raison de ne pas retourner au boulot.

Dans les semaines qui ont suivi, j’ai donc réintégré clandestinement mon milieu de travail, terrifiée à l’idée de devoir affronter un client insatisfait. Quelques heures par semaines, question de m’acclimater tranquillement. La fameuse Vanna ayant ironiquement dormi au gaz solide, mon acclimatation a été plutôt longue. Mais bénéfique.

En effet, lorsque j’ai annoncé à ma chirurgienne que je voyais mon médecin de famille pour recommencer à travailler, elle a été plutôt sceptique, m’invitant chaleureusement (sic) à ne pas trop m’engager et à m’attendre à devoir arrêter de nouveau. J’ai su que j’étais prête à retourner parce que sa froideur ne m’a pas affectée, puis j’ai gardé pour moi les détails de mon retour au travail, à savoir ma promotion ainsi que les nouveaux défis qui m’attendent.

Mon médecin de famille non plus n’a pas sauté au plafond. Je respecte leur professionnalisme mais je trouve absurde qu’elles ne soient pas capables de mesurer la détresse psychologique qui nait d’un congé de maladie prolongé… rester chez moi en attendant de retomber malade? Très peu pour moi.

Il est vrai qu’à ma dernière visite chez la chirurgienne, je me suis fait palper la bosse qui est revenue, sous mon aisselle. Mais chaque chose en son temps, je ne vais pas m’arrêter de vivre par peur de mourir, c’est absurde. Bref, j’ai le moral dans le plafond, plus que jamais.

Mon retour progressif s’achève puisque mes traitements de chimiothérapie tirent à leur fin. Il était temps, il faut dire, puisque sans Port-à-cath et avec les veines durcies par les médicaments, me piquer devient une épopée fort désagréable. Il ne me reste qu’un seul traitement de Perjeta et un seul d’Herceptin, la semaine prochaine, après quoi je demeure avec mon hormonothérapie, ou la ménopause avant l’heure.

Sinon, la surdité de mon fils a finie par être diagnostiquée ou confirmée. Vous dire combien la vingtaine d’heures consacrées cet automne à un suivi en orthophonie a été éprouvante (cette phrase ne se tient pas debout, j’ignore comment placer un verbe conjuguée pis que je suis trop fatiguée pour me forcer!!). Bref, je suis tellement soulagée! Fébrile, aussi, car il aura enfin ses appareils demain. J’ai peur d’avoir de trop grosses attentes, mais en même temps, il sera pris en charge par le Centre de réadaptation et je vois enfin la lumière au bout du tunnel.

p.s. Je me suis ennuyée de mon clavier, ça se peut que je recommence à bloguer 😉

Unbelievable

En regardant mon calendrier ce matin, j’ai été ravie de voir qu’il n’y avait rien. Aucun rendez-vous, pour la deuxième fois seulement depuis le 15 juillet : ça fait du bien! Je ne passerai pas la journée à méditer sur mon tapis de yoga pour autant puisque je dois préparer les bagages pour la fin de semaine mais bon, je vais le faire à mon rythme, avec un petit sourire en coin.

J’ai enfin terminé la radiothérapie, fiou! Les cinq derniers traitements ont quand même été plus courts puisqu’il s’agissait de traiter ma cicatrice et le site de la tumeur. Au final, j’ai la peau tannée un brin, rien de trop irrité, je crème abondamment (surtout les marques de crayons, pour les aider à partir, héhé) et ça va.

Même si la radio ne s’est pas terminée à ma fête comme je le souhaitais, je me suis quand même un peu gâtée, profitant du fait que fiston était chez ses grands-parents pour prendre un grand bain moussant, lire le journal et relaxer. Comme cadeau, Catherine Pogonat a fait jouer «Unbelievable» à la radio, ça a fait ma journée (et ma semaine puisque je la fredonne encore). C’est niaiseux comme une vieille toune d’un groupe au succès éphémère peut procurer du bonheur au point de la qualifier de cadeau de fête. Enfin.

J’ai débuté les traitements hormonaux depuis quelques jours. Il m’est difficile de savoir si mes mauvaises nuits sont attribuables à ce changement, puisque fiston en passe de très mauvaises ces temps-ci. Quoi qu’il en soit, j’ai clairement des «chaleurs» mais rien d’handicapant. Ce qui veut dire que je suis prête à reprendre ma vie normale.

Bien que j’angoisse un peu à l’idée de réintégrer le petit navire de guerre après qu’il eut navigué en zone de combat, je crois que je suis beaucoup plus préoccupée par des questions futiles comme doter ou pas mon nouveau vélo d’une assistance électrique. Je sais, c’est niaiseux, mais j’ai monté Vimy allège hier, sans fiston et pour la première fois depuis que j’ai cassé le dérailleur, et j’ai trouvé ça vraiment difficile. Mais bon, le plus gros problème est ma forme physique et mon incapacité à me vêtir adéquatement…

En conclusion, pour les tronches que ça intéresse, sachez que j’ai réussi à me rendre à 83 % de mes vingt-neuf traitements de radiothérapie en vélo. Et puisque je ne suis pas comme ma jeune amie Simone, je trouve ça inacceptable, alors, démontrant qu’on peut faire dire n’importe quoi aux chiffres, j’ai trouvé un score plus acceptable : 95 % de mes déplacements ont été fait sans carburant fossile, tadam!

Sur ce, je dérape, je vais vous laisser tranquille. À moins de revirement spectaculaire, je crois bien que le blogue va mourir de sa belle mort, merci de m’avoir encouragée!

Pied de céleri

Il y a quelques temps, mon chéri a acheté un pèse-personne «intelligent». Ce qualificatif signifiant d’une part, qu’il communique avec ton téléphone intelligent pour garder les données en mémoire et tracer des courbes de tendances et, d’autre part, qu’en plus de déterminer ton poids, il spécule sur ta masse musculaire et ton pourcentage de graisse.

Inutile de dire que l’objet est à la fois fascinant (pour les obsédés de données que nous sommes) et salement déprimant. Heureusement qu’il est arrivé dans ma vie dans un creux de courbe : affaiblie par une infection, une hospitalisation, un jeûne d’alcool et une perte d’appétit considérable. Mais la sale bête s’entête à me considérer comme «obèse», ce qui est une insulte pour tout le monde excepté la mère de Gilbert Grape, tsé.

N’étant pas responsable de l’achat du gadget, je vais sans doute l’abandonner bientôt sans trop de remords. N’empêche, ça va peut-être me motiver à remonter en selle et à enfiler mes espadrilles, ce que je n’ai pas fait depuis des semaines, malheureusement.

La tempête s’est cependant calmée : je me suis presque débarrassée de mon rhume d’été, assorti d’une toux persistante, et j’ai appris que je n’aurais pas de nouveau port-à-cath (yé!). Les injections d’anti-corps (Herceptin et Perjeta) que je reçois à toutes les trois semaines se poursuivront donc par les veines puisque de toutes manières, il ne s’agit pas de produits agressifs comme les produits de chimiothérapie.

Alors que ces injections s’arrêteront probablement dans six mois, celle qui a pour but de m’induire la ménopause et qui a pour conséquence de faire un gros trou dans ma bedaine et dans mon porte-feuille, elle, se poursuivra aussi longtemps que l’hormonothérapie, c’est-à-dire une dizaine d’années. Je dois commencer, d’ailleurs, à prendre du Tamoxifène, un médicament anti-œstrogénique, dès la fin de ma radiothérapie.

Ce chapitre se terminera mardi (je m’étais trompée dans mes calculs…), après quoi, je pourrai reprendre un semblant de vie normale et me contenter de quelques visites mensuelles à l’hôpital. Évidemment, je suis consciente que ma vie ne sera plus jamais tout à fait normale. Mais comme je crois avoir réussi à conserver une vie à peu près normale au courant des derniers mois, je ne crains pas la transition.

Alors que je m’apprête à amorcer ma quarantième année parmi les humains, je suis extrêmement reconnaissante de tout le soutien que vous m’avez tous apportés au courant des derniers mois. Apparemment, je suis aussi nulle pour les conclusions que pour les titres de billets, alors je vous laisse avec l’anecdote du jour :

Au lendemain d’un souper tardif et hautement excessif à des centaines de kilomètres de chez moi, bien que j’obtienne un pointage honteusement bas au geek test, mon rêve serait de me peser le plus souvent possible au courant de la journée afin d’établir une courbe de tendance de récupération post-cabane-à-sucre-du-pied-de-cochon, mais je vais me contenter de cuisiner l’antidote, c’est-à-dire l’énorme pied de céleri qu’on a reçu dans notre panier d’hier.

Malaise vagal

Il a déjà été établi que j’ai une mémoire éminemment sélective, mais il m’est impossible d’oublier que je suis sujette à des malaises vagaux, pour un oui, pour un non. Or, depuis les quelques dix mois que je fréquente activement les établissements de santé, je dois dire que j’ai été plutôt bonne.

Il y a bien eu les mammographies et la pose du harpon, auxquelles je n’ai pas réussi à «survivre». Mais, on me pique tellement souvent que j’en suis venue à être désensibilisée, j’imagine. J’avais tellement hâte de sortir de l’hôpital, l’autre jour, que mon cerveau n’a même pas noté que l’auto-injection d’antibiotiques trois fois par jour pendant deux semaines pourrait être un défi en soi.

Les premières injections ont assez bien été, quoique mon cœur battait la chamade. J’étais surtout ébranlée d’avoir à me lever à 5h30 et à me coucher à 22h30. À l’image de la femme enceinte à qui on annonce que les nuits de mille pipis la prépare aux nuits du nourrisson, on dirait que mon infection allait me préparer à retourner au boulot.

Lorsque, après quatre jour, une infirmière à déplacé mon cathéter, ça s’est corsé un peu. Arrivé le moment de mon injection, j’ai senti une brûlure dans mon bras, j’ai tout de suite appelé le numéro d’urgence. «Madame, vous allez devoir arrêter de me crier après» furent les paroles de mon interlocutrice, ça vous donne une idée de l’état de panique dans lequel j’étais.

Arrivée au CLSC, j’avais tellement pleuré qu’on me traitait vraiment comme une folle finie qui pense qu’elle va mourir à cause du microbulle dans sa tubulure… Comme on ne peut me piquer que dans le bras gauche, mastectomie et ablation des ganglions oblige, et que j’ai été piquée plus souvent qu’à mon tour dans les derniers jours, ça a été assez compliqué.

Faire du vélo avec une aiguille dans la main, c’est pas top intelligent. Je l’ai fait quand même, voulant à tout prix battre des records de transport actif vers l’hostile CHUS. Au fait, j’en suis à 83% vélo, pour votre info.

Dans la dernière semaine, mes chéris ont été malades. Puis, vendredi, ça m’a frappé à mon tour. Mal de gorge, malaises musculaires, fièvre, toux, je suis mal en point. J’imagine qu’on goûte aux joies du CPE. Donc, avec un mélange d’hypocondrie et de fatigue, ce matin, après mon injection d’antibiotique, je me suis claquée un beau malaise vagal de compétition.

Demain, on va m’enlever le cathéter, je vais pouvoir prendre une douche, fiou! Et si les astres s’alignent comme il faut, il se pourrait que j’aie mon dernier traitement de radiothérapie samedi, je vais pouvoir me frotter partout partout pour enlever les multiples lignes qui ornent mon torse (et les draps). Il ne restera ensuite que l’histoire du nouveau port-à-cath à régler.

U-turn

Quelques minutes après avoir intégré ma chambre d’hôpital, la semaine passée, mon voisin de chambre est arrivé en chaise roulante, d’un autre étage. La dame qui l’accompagnait lui a souhaité bienvenue dans son nouveau chez lui, ça lui a donné envie de partir vers son vrai chez lui.

Pendant un bon deux heures, j’ai donc été témoin de la fuite du patient voisin. Il a d’abord appelé «Joe? Êtes-vous la femme de Joe?», puis sa femme, ses filles, tous ses amis. Personne ne voulait venir le chercher. Le résident qu’on a envoyé pour le convaincre de rester a lamentablement échoué. Il est parti en taxi, vers 22h.

Le lendemain matin, il revenait avec sa femme, scandant «douleur! douleur!», ayant perdu sa patch d’anti-douleur pendant la nuit. Il a été soulagé, a dormi et ronflé toute la journée et toute la nuit.

Pendant ce temps, je faisais presque plus de fièvre mais j’avais la diarrhée. On m’a isolée (avec des rideaux) le temps de déterminer si j’étais porteuse de la bactérie clostridium difficile. J’étais confinée à mon lit, impossible de me rendre à la salle de bain malgré la diarrhée. Je vous épargne les détails mais disons que c’est pas tout le personnel qui acceptait volontiers de me donner du savon pour que je me lave les mains…

À son réveil, mon voisin s’est mis à appeler «café! Café! Où est donc le petit café?». J’ai vu ses jambes nues sous mon rideau, puis sa tête et son torse, nu itou, se sont pointées dans mon rideau. J’ai sonné pour qu’on s’occupe de lui. Lorsqu’il a compris qu’il n’aurait pas sa gorgée de café avant une bonne heure, il s’est habillé et a entrepris de repartir chez lui. Le personnel a tellement rushé pour le garder qu’il a été décidé qu’un préposé le surveillerait constamment.

Évidemment, il n’y avait rien à surveiller pantoute. Une fois sa douleur apaisée, mon voisin ne faisait que ronfler. Il était très confus, c’est vrai, mais complètement inoffensif. Il aura tout de même fallu une médecin remplie d’empathie, pour expliquer à mon voisin et à sa femme, la raison de sa présence au septième étage : le retour du cancer, celui dont on ne peut malheureusement pas se débarrasser.

Il m’aura fallu à moi-aussi, cette explication du médecin pour comprendre, pour faire preuve d’un minimum d’empathie envers mon voisin. J’ai tout de même été heureuse d’avoir un petit break, alors qu’il est sorti quelques heures pour aller manger à la maison. On venait de lever mon isolation, puis j’ai reçu la visite de mes deux amours.

À ma dernière journée d’hospitalisation, je suis devenue mon voisin. Je n’avais pas dormi de la nuit, je n’avais plus de fièvre, plus de diarrhée, je voulais m’en aller. À mon tour d’attendre quatre heures pour voir le médecin passer et tenter de le convaincre de me libérer. J’ai pu marcher jusqu’à l’étage du dessous pour qu’on m’enseigne à m’injecter des antibiotiques mais on m’a refusé la marche pour aller à mon traitement de radiothérapie.

J’étais furibonde. J’avais envie de pédaler, voire de courir, pis j’étais confinée à une chaise roulante pour me rendre à l’endroit que je connais le plus de l’hôpital : «c’est la procédure». J’ai réussi à convaincre la radio-oncologue de me laisser conduire ma propre chaise roulante entre son bureau et la salle d’attente pour le traitement. Arrivée là, j’ai fait le clown mais je rushais un peu à pousser la chaise vide. Un homme m’a dit «attention, je ne suis pas sûr que vous ayez le droit de faire des U-turn».

Après une semaine, j’ai un peu oublié où je voulais en venir avec ça. Je crois que je voulais écrire que ma cohabitation forcée avec une personne âgée très malade m’a ouvert l’esprit, assez pour me faire faire un virage.

Mauvais oeil

Je ne sais pas si tu connais cette expression « attirer le mauvais œil ». Mon amoureux, lui, me la sort souvent. Quand j’annonce « wow, il va donc ben faire beau pendant tes vacances », par exemple.

Dans mon dernier billet, j’étais fru contre la fille des assurances et je quantifiais mes heures passées à l’hôpital pour la semaine. Alors que la semaine n’étais pas finie. Pis là, on s’obstinera pas sur le jour où débute la semaine, c’est pas ça le sujet.

Alors la fameuse bosse pu trop inquiétante, la chirurgienne l’a ponctionnée vendredi, après avoir dit que la ponction posait un risque d’infection. 3 ml d’un liquide de couleur pas trop inquiétante se sont dirigés vers le labo pour analyse.

J’ai poursuivi ma journée « marathon de transport à vélo » jusqu’à en être pas mal brûlée. Samedi matin, je me suis réveillée avec un mal partout du maudit. Me suis couchée par terre sur mon tapis de yoga pour faire la posture du mort, fiston quasiment assis sur ma face.

Ce dernier a ensuite passé une matinée d’enfer, collé sur sa mère. On lui a donné du Tempra et il est allé à Bouffe ton centro avec son père pendant que je frissonnais sous ma couette.

Vers 14h, fièvre plus potentiel d’infection m’ont fait un peu paniquer et je suis allée à l’urgence. Prise de sang, observation de ma fièvre et attente interminable ont composé ce qui aurait dû être mon jour de congé d’hôpital.

Mais le mauvais œil n’avait pas fini de frapper! Dimanche, on m’a rappelée parce qu’il y avait des bactéries dans mon sang. J’ai donc passé la journée à attendre à l’urgence, fiévreuse, puis on m’a monté à l’étage.

Là je suis crissement à jeun, on vient de me faire une écho cardiaque par l’oesophage (j’te dis pas comment c’est le fun), on va m’enlever mon port-à-cath tantôt.


Je pourrais écrire tout un billet sur mon voisin de chambre, mais ce serait méchant et la batterie de mon téléphone. Quoi qu’il en soit, je promets ne plus jamais bitcher la fille des assurances… (et m’épiler les sourcils, yish!)

Vacances

Chère madame des assurances,

Lundi, quand tu m’as appelée, j’étais pas mal relax. Je revenais d’un périple de deux jours au Vermont en Westfalia avec mes hommes. À deux pas de chez nous, certes, mais ce fût toute une aventure. Je ne sais pas si tu sais combien c’est de l’action un garçon de deux ans, j’ai le sentiment que tu n’as pas cette maturité.

À tes questions, j’ai donc été bien honnête : oui, ça va généralement assez bien, je ne suis pas trop affectée par mes traitements de radiothérapie et oui, je fais la grosse vie de ménagère qui regarde des téléromans en faisant la vaisselle. Je ne t’ai pas parlé de mon entraînement de course, ni de mes sorties de «vrai» vélo. Parce que de toutes manières, j’ai déjà une blessure au pied et je peine à faire 150 km de vélo en quatre semaines…

Je ne t’ai pas parlé de transport actif non plus, parce que, quand je t’ai dit que je ne me sentais pas prête à travailler à temps plein, parce que je ne me sens pas en pleine possession de ma santé mentale, tu m’as dit que ça arrive à tout le monde des épisodes dépressifs, que c’est pas une raison suffisante pour ne pas travailler. Alors j’ai compris que ton travail c’est de me couper mes prestations pis qu’un moteur Bionx, t’es trop bouchée pour comprendre que ça monte les côtes à ta place.

Je vais te raconter les jours qui ont suivi ton appel, juste pour que tu essaies de m’imaginer, dans mon bureau, couchée en petite boule.

Déjà, le jour même, ton appel avait semé en moi une petite graine de panique. Lors de mon traitement de l’après-midi, ma technologue fétiche m’a sorti un «vous êtes un peu rouge là, vous savez qu’il ne faut pas vous exposer au soleil? (avec un peu plus d’exclamation que d’interrogation) On vous traite jusque là, tsé» (Je te laisse deviner où c’est «là» pis je te «dare» de passer l’été habillée jusqu’au cou pis avec des manches).

Mardi, j’avais rendez-vous avec mon oncologue. J’y suis allée en voiture, parce que ma batterie ne me permets pas deux voyages à la garderie plus deux voyages au CHUS. Je me suis préparée mentalement à dire gentiment que j’haïs les résidents… et j’ai espéré ne pas en rencontrer un, surtout parce que j’aime bien mon oncologue, c’est un cycliste, il est sympa.

Il était un peu en retard, et par conséquent pressé, mais lorsque je lui ai parlé de la lourdeur que je ressens à la poitrine depuis quelques jours et de la bosse qui est apparue sous mon aisselle, il a pris un air grave. Je ne sais pas si tu sais de quoi ça a l’air, un médecin sympa qui prend un air grave mais c’est plutôt inquiétant. Il a commandé deux examens, m’a dit de les faire dans la journée et de revenir le voir après.

J’ai eu un rendez-vous pour une scintigraphie le jour même, un peu en même temps que mon traitement de radiothérapie. J’ai respiré de la radioactivité, on m’a photographié les poumons. J’ai gardé les yeux fermés parce que j’avais un de ces mal de têtes de trois jours. Arrivée en retard à mon traitement, le stress s’est emparé de moi, je me suis mise à pleurer.

Résultat? J’étais apparemment tellement crispée que je n’arrivais pas à reproduire ma position habituelle. Le traitement a pris trois fois plus de temps que prévu, j’ai mis tout le monde en retard d’une heure. Au total, j’aurai passé environ trois heures à l’hôpital, plus une bonne heure de transport.

Mercredi, mon niveau de stress était à son comble, parce que les poumons, c’était pas si stressant que ça à côté de la bosse. Par chance, mon chéri m’a accompagnée à mon échographie, où on a déterminé que le contenu de la bosse est essentiellement liquide donc pas très inquiétant. L’oncologue nous a rassuré mais m’a demandé de prendre rendez-vous avec la chirurgienne pour vérifier ça. Puis, je suis allée à mon traitement de radiothérapie.

Même si le stress avait baissé, les technologues m’ont replacée trois fois puis m’ont barbouillée tout le torse. J’ai bien hâte de voir aujourd’hui si ça va aller plus vite. J’ai passé trois heures à l’hôpital hier. Aujourd’hui et demain, je n’ai pas d’autres rendez-vous que mes traitements de radiothérapie, ça devrait porter le total de la semaine à environ douze heures. Peux-tu comprendre que travailler quarante heures en plus de ça, je ne vois pas comment ce serait possible?

Ce que je ne t’ai pas dit, non plus, c’est que mon fils vient d’intégrer un nouveau milieu de garde. Ça va être génial, mais en attendant, c’est plutôt galère. Les crises, les nuits chamboulées, etc. On essaie de garder une petite routine d’optimisation du temps de qualité en passant un peu de temps au parc, au retour du CPE. Hier, je suis allée le chercher avec notre nouveau bolide : un vélo-cargo sans assistance électrique. J’ai choisi ça parce que je pense que ça va me garder plus en forme. Mon chéri et son ancien patron de chez Bionx ont pris des paris, je crois, parce qu’ils ne me croient pas capable de faire la transition.

Ils ont probablement raison mais j’ai une sale tête de cochon, tsé. Mais sur le court trajet qui relie la maison au CPE, hier, j’ai sué comme un cochon, justement. Et arrivée dans la côte Vimy, celle qu’un cycliste débutant redoute presque autant que la côte Acadie, le dérailleur s’est emballé et s’est cassé.

Tu sais quoi, madame des assurances? Même si j’ai investi toutes mes économies dans ce nouveau véhicule et que je l’ai attendu pendant des jours en le suivant à travers l’Amérique, je n’ai pas pleuré. Je suis restée calme, j’ai assis mon fils sur le trottoir et attendu les secours. Je vais le réparer et recommencer.

Je tiens à te raconter tout ça parce que j’ai l’impression que tu crois que je suis en vacances, parce que j’ai le temps de faire les tâches ménagères de jour, pour passer du temps de qualité avec mon fils le soir. Mais j’aimerais juste te rappeler que le combat n’est pas encore terminé pis que tant que la bête n’est pas éradiquée, les sources de «stress démesuré» guettent, pis que non, c’est pas quelque chose qui arrive à tout le monde de temps en temps.

J’espère que tu as passé de belles vacances,

Prestataire Lussier