Karma

Quand j’étais au secondaire, je galérais solide à transférer mon bagage d’un autobus jaune à l’autre : sac d’école, sac d’éduc, sac à lunch, violon, clarinette. Demandez à mes voisins si le son mélodieux du violon débutant ou les canards les dérangeaient, ils vous diront que non. Et pourtant, Antoine vous dira à quel point j’étais poche.

Évidemment, à la question «as-tu pratiqué ___?», je répondais systématiquement «non». Un peu comme on patine lorsque l’hygiéniste dentaire nous demande si on passe religieusement la soie dentaire, avec un «j’m’en câlisse» sous-entendu.

À l’aube de mes dix-huit ans, pour la première fois, ça m’a pété dans ‘face. T’as pas participé à la rando d’équipe? T’as pas suivi ton entraînement de jogging? Ben, à matin, petite fille, tu restes bien tranquille dans le refuge des japonais, à 3800 m d’altitude, pendant que tes coéquipiers fouleront le toit de l’Europe. Ben bon.

On pourrait croire que j’ai retiré une leçon de cet échec. Mais après ma deuxième chirurgie, encombrée par un drain et perturbée par un bras engourdi, tous m’ont répété «fais tes exercices de bras, c’est très important» et j’ai choisi d’entendre «pratique ton violon» et j’ai fait l’ado qui s’en câlisse. Résultat : je me suis mérité une autre série de rendez-vous, chez le physiothérapeute cette fois. Bravo championne.

Je l’anticipais mais j’attendais un miracle, comme la fois où la face de feu mon prof de clarinette est apparue dans la fenêtre de mon cubicule, impressionné par le beau son rond que j’avais réussi à sous-tirer d’une anche pétée. La face de la chirurgienne disait «qu’elle idiote, cette patiente». Enfin.

«I’m in a dark place», dirait-on, dans une autre langue. Surtout parce qu’après six mois d’attente, l’évaluation de fiston chez l’orthophoniste n’a pas été aussi bien que je l’espérais. Je vous épargne les détails qui, de toutes façons, ne sont pour l’instant que théories et interprétations, mais disons que c’est une autre bataille qui continue.

Mon nostrada-chum me répète souvent, à la semi-blague, que je reçois les foudres karmiques. Je n’y crois pas, puisque tant de gentilles personnes sont malades, et parce qu’il y a des maudites limites à être punie pour avoir ri d’un crachat de paparmane dans la face.

Sur ce, je m’en vais suer mes péchés, et rattraper ma paresse de 1995, en allant jogger vers le parc avec mon fils adoré (que j’ai dû ramener de force à la maison hier soir alors qu’il s’en allait encore au parc J-C à la marche). Dans mon prochain billet, je vous raconterai s’il a franchi son kilomètre en moins d’une heure. Tourlou!

Solstice

J’ai rencontré la radio-oncologue mardi dernier. Pas de résident cette fois, la vraie médecin en pleine maîtrise de son métier, fiou! On m’a tatoué (wouhou, je suis presque une badass!) six minuscules points, question de me positionner toujours de la même manière pour les traitements. Il y en aura vingt-neuf, échelonnés sur six semaines. Je vais passer l’été au CHUS, en somme.

Mon expérience médicale ayant été si bonne, j’en ai profité pour prendre mon courage à deux mains et aller de l’avant avec l’injection visant à me ménopauser. Installée sur le divan, les deux yeux bien fermés, j’ai attendu que mon chéri procède. «Je ne peux pas insérer cette aiguille dans un humain», a-t-il dit, le plus sérieusement du monde. J’ai gardé mon calme et surtout les yeux fermés, malgré son insistance à me montrer la chose. L’injection a été franchement douloureuse et la prochaine fois on aura recours à une infirmière. J’haïs les résidents, je vous l’ai tu dit ?!?

Sinon, ma santé va bien. Mon bras est moins engourdi qu’il l’était mais encore douloureux et pas parfaitement mobile. J’arrive tout de même a faire du vélo pendant trois heures ou à conduire une voiture manuelle. Mon balancement des bras étant déficient, je ne cours pas très efficacement cependant et je ne briserai aucun record personnel dans deux semaines 😉

Ma santé mentale, elle, est excellente. D’autant plus que j’ai eu la chance de voir des amis que je n’avais pas vu depuis plus de trois ans en fin de semaine dernière. Vous savez ce genre d’amis qu’on a l’impression d’avoir côtoyé la semaine dernière.

Alors que je défaisais ma tente, Louka, huit ans, m’a demandé si j’avais déjà eu les cheveux plus longs. S’en est suivi une discussion un peu maladroite au sujet du cancer. Mon initiation aux conversations sérieuses avec les enfants, j’imagine. Au final, il m’a dit quelque chose comme «je te souhaite de ne pas aller au ciel», ça m’a beaucoup touchée.

En cette journée du solstice, je vous souhaite tous un très bel été, vous qui m’accompagnez de près ou de loin depuis sept mois, ça m’aide beaucoup.

Allure

«J’haïs les résidents». Voilà la seule phrase que j’ai eu en tête pendant près d’une semaine, ce qui explique mon blocage en matière de rédaction de billet de blogue. Une grosse semaine à broyer du noir.

Je vous épargne les détails, que j’ai oublié d’ailleurs, mais disons que la communication est un art que ne maîtrisent pas tous les médecins. Non pas que je prétende le maîtriser moi-même mais bon, j’aimerais bien pouvoir évaluer mon «expérience patient», dans une perspective d’amélioration continue.

En prévision de l’hormonothérapie donc, et parce que j’ai accepté d’abandonner tout projet de procréation, on doit me ménopauser. En fait, JE dois me ménopauser. Je suis en possession de l’onéreux liquide, mais j’ai choisi de laisser passer la dépression avant de demander à mon chéri de me l’injecter.

La veille pourtant, j’allais plutôt bien. Après m’être remise de la lecture d’un roman de 800 pages (ce qui se compare étrangement à l’écoute boulimique d’une série télé de plusieurs saisons), j’avais enfourché mon vélo et tenté de me remettre au jogging. Enfin, c’est fini pour l’instant, fiou!

Mon fils, lui, on ne l’entraîne pas, évidemment, mais j’aimerais bien qu’il franchisse la ligne d’arrivée à sa première course. Hier, mon chéri suggérait qu’on le fasse courir un peu, alors quand fiston n’a pas voulu s’arrêter au parc du quartier, je me suis dit «bah, c’est pas si loin le parc Jacques-Cartier» et je l’ai laissé décider du parcours.

C’est pas nouveau, son envie de visiter les autres parcs de la ville, mais normalement, on est à vélo. Cette fois : pas de vélo, pas de poussette. Oh boy! Il a testé le tuteur d’un arbre chez les jumelles Larose, inspecté tous les bacs à fleurs du bord de l’eau, rue de l’Esplanade, essuyé tous les bancs du marché de la gare, tourné autour de tous les lampadaires de la piste de la zone zen…

Le pauvre petit loup s’est rendu au parc, brûlé raide, après près de trois heures de marche. Une allure ressemblant à 64 min/km. J’espère qu’il fera mieux à la course du 3 juillet mais je suis néanmoins très fière de lui. Il a réussi à me réconcilier avec la zone zen.