Le jour de la marmotte

Je savais qu’aller au CHUS en vélo était à contre-courant mais hier, j’ai littéralement pédalé à contre-courant dans la côte Terrill dont les trous d’homme peinaient à avaler les eaux de l’averse. J’avais de l’eau à mi-mollet, je pédalais de toutes mes forces et je riais à m’en briser une côte.

Ma journée avait tout de même débutée en lion, par l’arrivée de mon nouveau véhicule californien. Nenon, ce n’est pas une Tesla mais un vélo cargo vraiment trippant, j’aurai l’occasion de vous en reparler, c’est certain! Bref, une belle journée spéciale pour briser la monotonie du toujours pareil.

Chaque jour, j’attends que ma marmotte junior se lève. Après la routine du matin qui comprend le transport à la garderie en vélo, je fais quelques tâches ménagères. Je dîne ensuite en compagnie de mon grand ami Netflix, je fais quelques dizaines de Sudoku puis j’enfourche ma bécane pour me rendre à Fleurimont.

Petit aparté «leçon de vie» : tu peux rouler des yeux tant que tu veux lorsque mon père nous casse les oreilles avec les fusions municipales, mais si tu vas à Fleurimont, fille, tchecke pas la météo de Sherby, tsé.

Vingt minutes plus tard, j’emprunte un corridor louche du sous-sol de l’hôpital pour me rendre à la salle d’attente entendre des vieux jouer à «qui combat mieux le cancer» sur fond de LCN. Mon tour arrive assez rapidement, je me change, on m’accueille dans la salle de radiothérapie d’un «ah, vous êtes venue en vélo!?!» prévisible.

Le traitement comme tel débute par l’alignement. Allez savoir pourquoi, j’ai des marques au crayon feutre (c’est chic, pas se frotter le nombril pendant un mois, tsé), comme si les tatouages avaient été faits pour rien… Ensuite, ma job c’est d’être immobile pendant une dizaine de minutes, pendant lesquelles j’essaie de respirer du ventre pour ne pas trop bouger la poitrine, parce que je trouve ça donc ben imprécis leur affaire.

Ma préférée me demande tout le temps si ça a bien été. Elle ne sait pas que je suis bête pis que je lui répond, dans ma tête, toutes sortes de niaiseries, parce qu’il ne se passe strictement rien, comment ça pourrait mal aller? Mais je suis polie timide, je reste muette, je dis à demain pis je m’en vais.

À ma sortie de l’hôpital, je pense aux milliers d’humains qui fréquentent quotidiennement le CHUS, à toutes ces voitures, pis je pleure de ne voir que quelques bécanes sur le rack à vélo (six, c’est le plus que j’ai vu à date). Je m’en retourne ensuite essayer de mourir d’autre chose que du cancer, à savoir, d’un accident de vélo (ceci est une blague).

La routine du soir terminée, je m’endors en rêvant à une autre journée palpitante… Ceci dit, avec le tiers des traitements de radiothérapie de faits, une note de 9/10 sur le transport actif pour m’y rendre et mon voyage en Westfalia qui s’en vient, je suis en pleine forme. J’espère que tout va bien de votre côté!

Phonèmes

Il y a quelques semaines, à mon traitement de Perjeta, j’ai croisé Rachel, mon ancienne rédactrice en chef du temps où j’écrivais une chronique dans le canard Orferois. C’est elle qui m’a recrutée et qui a eu la patience, mois après mois, de recevoir mes textes après la date de tombée.

Maintenant que j’écris librement sur la toile, je ne suis aucun plan, aucune date de tombée, mais je peux vous dire que ça me titille de laisser mes quelques lecteurs assidus en plan aussi longtemps, sous prétexte que je suis «très occupée».

En vrac, j’ai emmené fiston cueillir des fraises avec mes parents (et le fantôme de ma mère-grand qui passait littéralement ses temps libres de juillet dans le champ de fraises), puis en camping et à la plage. Nous avons aussi visité son futur CPE.

Oui oui, tout de suite après avoir rencontré l’orthophoniste (et avoir badtrippé un peu), je me suis bottée le derrière et j’ai ajouté son nom sur la liste pour des CPE sortant de mon rayon «près de la maison». Le lendemain, pouf!, nous avons eu une place juste à côté de mon bureau.

Quel rapport avec le cancer, vous dites? J’aimerais vous dire qu’il n’y en a aucun mais au fond de moi même, je crois que le stress lié à la surdité a joué un rôle déclencheur dans le développement fulgurant de la bête. Enfin, à chacun ses croyances n’est-ce pas?

Toujours est-il que j’essaie de ne pas faire gagner le stress du retard de langage. Et non, les mots d’encouragements ne m’encouragent vraiment pas. Parce qu’il est marqué, son retard, et que ça sera un long combat.

Le mien, de combat, bat son plein. Mon passage en physiothérapie a été très bénéfique. Bien sûr, j’ai retrouvé la mobilité de mon épaule (pas encore parfaitement mais presque), mais discuter système lymphatique avec ma physio a été quasi thérapeutique pour ma santé psychologique.

J’ai donc commencé la radiothérapie vendredi dernier, sans aucune difficulté à me tenir immobile avec les bras sur la tête. C’est juste assez long pour cogner des clous et se perdre dans ses réflexions. Se rendre à l’hôpital à tous les jours à la même heure comprend aussi un risque de rendre fou…

Et comme si je n’étais pas assez folle d’avance, je capote parce que mon père m’a donné un lift hier et que je ne pourrai pas me vanter d’être allée à mes vingt-neuf traitements en vélo. Après ça on soupçonne mon fils d’être un peu zinzin, sous prétexte qu’il parle un langage qui lui est propre, rempli de phonèmes n’appartenant pas à la langue française, pfft!

Trente

Ouf, quelle semaine! J’ai eu six rendez-vous en trois jours dans cinq endroits différents, plus une période dépressive intense, un cinq à sept avec mes collègues, une sortie de vélo en famille et une course à pied.

En passant la balayeuse, tantôt, j’ai eu une petite pensée pour ma cousine Mélina et sa grande maison en devenir. Puis je me suis promis de m’offrir une femme de ménage lorsque j’aurai réintégré le marché du travail, question de maximiser le temps de qualité avec mon fils et son père.

Soit dit en passant, mon chéri m’a offert d’arrêter de m’achaler avec ses doutes sur sa paternité si je publiais une photo de moi avec des feuilles d’érables rouges sur les joues, après m’avoir piégée à me rendre au parc JC lors de la fête du Canada. J’ai presque accepté.

Il faut savoir que pour faire une sortie de vélo de 70 km, ça nous prend presque toute la journée. Non, je ne suis pas si lente que ça! Mais on pique-nique dans un parc et papa fait une boucle supplémentaire pendant que fiston s’amuse dans la structure de jeux.

Ce vendredi, le parc d’Orford était étrangement désert. S’il avait été plus achalandé, j’aurais bien juré me trouver au beau milieu d’un tournage de Juste pour rire. Quelques minutes après le passage d’un Dany Turcotte à l’air coquin accompagné de son chien, est apparu un duo maître/chien beaucoup moins rigolo.

Assise dans le gazon avec fiston à quelques mètres, j’ai tenté de la jouer «nenon, j’ai pas peur des chiens» et «nenon, je n’ai pas de préjugés sur les propriétaires de chiens méchants». Je ne connais rien de rien aux chiens, mais celui-là était particulièrement laid.

Alors qu’il fonçait (ok, non, il trottait mais c’est moins dramatique) directement sur moi (dans un parc désert, sérieux, c’était freakant), son maître (en bedaine et gougoune) s’est mis à baragouiner dans un français très approximatif : «pitbull-doberman-lab», «presque jamais mord».

Je me suis levée rapidement, heureuse de voir le dude attraper la laisse de son chien avant de s’approcher de mon petit. Bref, j’ai échoué mon épreuve «chien».

Quant à mon défi 5 km de course dans une foule dense en poussant fiston dans son bolide, je crois l’avoir réussi. Si on exclut bien sûr la partie «contrôle de soi» dans une foule dense qui ne respecte pas les règles de base de la course à pied, à savoir «gardez la droite, tabarnak» (excusez-là, mais c’est ça pareil).

Bref, j’ai passé la moitié du parcours à zigzaguer de peine et de misère (c’est gros, un Chariot) entre la moitié des coureurs qui a fini après moi, parce que fiston ne décollait pas des jeux gonflables et qu’on est parti en dernier dernier, par respect pour ceux qui s’étaient entraînés. L’autre moitié, je l’ai passée à regarder compulsivement mes battements cardiaques.

Quand son tour est arrivé, Fiston a refusé de mettre son dossard, d’intégrer la foule (qui peut le blâmer?) et de courir. J’ai marché avec lui quelques mètres, puis on l’a ramené vers les satanés jeux gonflables, sa nouvelle passion. Il sera très déçu, tantôt, quand il constatera qu’on les a enlevés du parc JC…