Je viens d’inscrire mon fils à sa première épreuve de course à pied : je me trouve un peu ridicule et ressens le besoin de me justifier. Au pire, on ramassera de belles roches le long du parcours, des roches à quinze piastres.
L’inscription n’est qu’un prétexte pour une activité en famille et pour me botter le cul. Rassurez-vous, je suis bien évachée dans un divan à l’heure où on se parle, récupérant comme il se doit de ma dernière dose de chimiothérapie. Mais j’ai les jambes qui me démangent et surtout l’esprit qui a envie de s’aérer.
C’est lundi post chimio, jour de rush sur la planète Cancer. Hier, j’ai retrouvé mon fils, séparé de moi de 25 km pendant moins de deux jours… Ce matin, j’étais clouée au lit, surtout d’avoir mal dormi. Une nuit de femme enceinte : pipi, malaises, pipi, listes mentales, pipi, etc. Puis, dès que mes hommes quittent la maison, la journée du diable commence.
Malêtre physique d’abord : j’ai faim mais la bouche râpeuse et l’oesophage en feu. J’ai mangé du thai zone pour déjeuner, des pâtes à rien pour dîner et de la salade de fruits en canne, miam. Bouffe de lendemain de brosse. J’ai soif mais je ne supporte plus la sensation de l’eau dans ma bouche. J’ai envie de boire le «dernier cidre» de mon chum, mais ce serait pas fin.
Je suis chanceuse tout de même, j’ai les jambes qui picotent un peu, c’est vrai, mais je vais enfourcher mon vélo tantôt pour aller chercher junior, pas de stress. Ma forme physique est exceptionnelle. J’halète en remontant la côte, c’est sûr, mais en partie parce que je m’entête à porter mon Kanuk au dégel. Chu ben, au soleil avec mon Kanuk.
C’est l’épreuve mentale du lundi de satan qui est la plus raide. C’est la journée où je m’imagine engloutir les épisodes de Gilmour Girls en pédalant dans la cave, entre deux brassées de lavage. Mais où je me déplace difficilement entre mon lit, le divan du salon et le divan de la cave. Je suis tannée de jouer au Boggle, à Trivial Pursuit, j’ai un record de pas d’allure à Jewels. J’ai lu tous mes livres de bibliothèque, les vieilles revues qui trainent dans ma tablette, le Devoir, la Presse+, la Tribune. Je connais mon fil Facebook par cœur. Je suis salement déprimée.
Je m’extirpe au dehors, vêtue de mon Kanuk, m’installe sur le perron sale, observe les sherbrookois mal se stationner, reluque un peu la peinture écaillée de la maison qui manque un peu d’amour et écris ce petit billet au soleil, même si j’ai pas mis de crème solaire. Je te promets que je vais écrire aussi quand j’irai mieux, quand les endorphines auront kické in.