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Assistance

Hier après-midi, je suis allée chercher fiston à la garderie en joggant, parce que je n’avais rien foutu de la journée, que je n’ai pas respecté mon engagement de sécrétion d’endorphines, mais surtout parce que je jugeais qu’il faisait un peu froid pour le vélo.

Inévitablement, à peine entré dans la véranda, fiston a pointé le vélo, sorti ses yeux de biche, pointé les casques, l’air de dire : «déguédine, on part». Il m’a fallu quelques minutes pour lui faire accepter que j’avais besoin d’un manteau, au minimum, et d’une batterie.

La batterie ne voulait pas clencher, j’ai pensé à maman qui venait de me raconter avoir troubleshooté son Bionx plus tôt dans la journée, j’ai sacré un peu et je suis allée chercher une autre batterie qui a bien voulu clencher, merci.

Une fois «toque-son» embarqué et bien attaché, je me suis rendu compte que, clenchée ou pas, la batterie n’alimentait pas le système d’assistance au pédalage. Qu’à cela ne tienne, si je suis capable de le déplacer en sac-à-dos et en poussette, je dois bien pouvoir nous mouvoir en vélo sans assistance, me suis-je dit, trop paresseuse pour débarquer fiston.

Ouf! Arrivée près d’une côte descendante, je me suis dit que l’effort à fournir pour contrer l’inertie (Mathieu va encore dire que j’utilise mal ce mot, une chance qu’il ne lit pas mon blogue!) du moteur était supérieur à ma capacité de malade semi-sportive ayant déjà couru dans les rues pentues de mon quartier. «Pentues» étant le mot clé dans ma phrase, on a tôt fait de faire le tour de la portion praticable du quartier.

Comme quoi toute la volonté du monde ne suffit pas toujours et que le recours à l’assistance est parfois nécessaire. (Check ben mon analogie bouetteuse!). Dans le cas de mon cancer, mon allier le plus précieux aura sans doute été la chimiothérapie. Même si j’aurais envie de te dire que j’ai reçu un placebo et que ma confiance et mon moral d’acier ont à eux seuls fait réduire ma tumeur au point où les praticiens la cherche, je crois que le cocktail de poisons mérite les honneurs.

Tellement efficace, cette chimiothérapie néo-adjuvante, que la chirurgienne qui m’annonçait une mastectomie totale il y a quelques semaines, arguant la petitesse de mon sein, a revu sa position et qu’on va sauver mon mamelon, youpi! L’intervention est prévue pour vendredi, j’essaierai de donner des nouvelles la semaine prochaine.

J’ai voté pour PKP

Arrivée en haut de la côte King, je ralentis le pas un brin pour souffler. Mon manque d’assiduité à l’entraînement n’a rien à voir avec l’essoufflement : je porte certainement une charge équivalente à un Charles-Antoine et demi sur le dos et je suis habillée comme on s’habille au printemps lorsque c’est l’hiver le matin et l’été en fin de journée.

Mon regard croise un balafon, à peine plus gros que celui que j’ai acheté au musée de la musique de Ouagadougou, dans la vitrine du prêteur sur gage : de kessé? Je trouve ça drôle, étant donné l’état d’esprit «retour de voyage» dans lequel je me trouve. Okay, je reviens de moins de trente-six heures d’absence à deux heures de bus de chez moi mais bon, je n’y peux rien, au retour, j’ai toujours un œil différent sur ma ville. Comme je reviens de la métropole, j’en arrive même à trouver l’artère principale de la reine des Cantons de l’Est propre et tranquille.

J’arrive de mon pèlerinage annuel à la Braderie de la mode québécoise. Je déteste le magasinage mais je dois bien m’habiller alors j’essaie d’éviter le plus possible d’encourager l’industrie du vêtement qui fait travailler des enfants dans des usines dont le toit menace de s’effondrer. Je doute que ça mette beaucoup de beurre sur les épinards des artisans d’ici que d’acheter leurs vêtements en solde mais bon, il y a une bonne intention derrière ma démarche. Acheter c’est voter, comme dirait Laure Waridel.

Alliant l’utile à l’agréable, j’ai étiré mon séjour d’une journée pour un rendez-vous et je me suis invitée chez des amis pour la nuit. J’ai donc pris le métro à l’heure de pointe avec mon énorme sac à dos. Lorsqu’une jeune femme a ouvert la porte, j’ai compris que je m’étais trompée d’adresse. Plus tard (beaucoup trop tard), j’ai réalisé que mes amis n’avaient pas déménagé subrepticement dans la nuit, que j’étais déjà allée dans leur pas si nouveau logement que ça. Re- le métro bondé avec un énorme sac à dos, bravo!

La semaine précédente, je m’étais imaginée fondre en larmes de nervosité, avoir besoin de zoothérapie et de bébéthérapie à l’idée d’affronter la Mastectomie en montrant mes boules à la caméra. Et bien non, j’ai été l’invitée attendue, la Lazure habituelle… ben celle qui venait de se tromper de quartier.

Marie-Ève a eu la gentillesse de me reconduire chez la photographe, d’un coup d’oeil à la carte elle a su où aller. Arrivées sur la rue paisible et tortueuse, on porte attention aux numéros civiques : 16, 18, 20, 22. Point de 24. Après s’être cassé un peu le bicycle, on se rabat sur le 24 du Croissant, c’est quasiment la même chose au fond. Avertie par les jappements stridents de son chien, une femme âgée vêtue d’une robe de chambre sort : elle n’est pas photographe, me suis encore trompée d’adresse, bravo!

Lorsque j’avais lu le courriel de Mia me parlant du projet de son amie, j’avais versé toutes les larmes de mon corps en quelques secondes. Un gros sanglot sincère. Je m’étais dit que poser pour ce projet serait ma manière d’apprivoiser la mastectomie. Comme tout ce qui entoure mon cancer, je m’y suis lancée en faisant entièrement confiance à la professionnelle.

De retour au centre-ville par un métro étonnament bondé (à cette heure-là, les autobus de Sherby ont deux-trois passagers), j’ai décidé d’occuper mon temps à bouquiner. J’allais chercher le roman de Fanny Britt pour ma convalescence et, si j’avais le temps, explorer sommairement la Grande Bibliothèque.

Ils sont bons, les commerçants, pour te vendre des trucs. J’ai hésité un moment avant de me lancer, habituée à encourager ma biblairie de quartier («acheter c’est voter» all the way, tsé), puis j’ai perdu le contrôle. Après tout, si je pouvais dépenser des centaines de dollars pour des vêtements, je pourrais bien dépenser un peu pour encourager l’industrie de la littérature et sauver quelques cents en retards à la bibliothèque. Je me suis laissée emporter un peu et j’ai voté pour PKP.

Coups de pédales

En m’accueillant tantôt, mon oncologue a comparé la fin de ma chimio à la fin des étapes alpines du tour de France. En ma capacité de pseudo-autiste, j’ai répondu que je préfère subir la chimiothérapie à pédaler les cols des Alpes… #slowclap

S’en est suivi un intéressant mais perturbant monologue sur l’entraînement de vélo de mon médecin traitant, un vrai médecin habitué à la performance.

Quant à moi, j’ai trois Sufferfest (entraînements de vélo) derrière la cravate, les jambes me brûlent un tantinet et j’espère maintenir le cap d’ici ma chirurgie, aka l’éléphant dans la pièce.

Ce n’est pas un hasard si je n’ai pas écrit de billet depuis deux semaines. Évidemment, il y a eu Pâques et la cabane à sucre, c’est-à-dire plusieurs centaines de kilomètres de voiture électrique. J’ai même rasé lutter un chien barbet à Gracefield.

Tout ça se passe la fin de semaine vous dites? C’est ça. Je passe mes journées de semaine à faire de la boulimie alimentaire et télévisuelle. Beaucoup trop de télé, beaucoup trop de chocolat.

C’est dans seize dodo, tous les Sufferfest du monde ne seront pas suffisant pour évacuer le stress qui m’habite (et perdre mes kilos-chocolat). Alors le silence radio risque de se poursuivre côté blogue, toutes mes excuses.

Endorphines

Je viens d’inscrire mon fils à sa première épreuve de course à pied : je me trouve un peu ridicule et ressens le besoin de me justifier. Au pire, on ramassera de belles roches le long du parcours, des roches à quinze piastres.

L’inscription n’est qu’un prétexte pour une activité en famille et pour me botter le cul. Rassurez-vous, je suis bien évachée dans un divan à l’heure où on se parle, récupérant comme il se doit de ma dernière dose de chimiothérapie. Mais j’ai les jambes qui me démangent et surtout l’esprit qui a envie de s’aérer.

C’est lundi post chimio, jour de rush sur la planète Cancer. Hier, j’ai retrouvé mon fils, séparé de moi de 25 km pendant moins de deux jours… Ce matin, j’étais clouée au lit, surtout d’avoir mal dormi. Une nuit de femme enceinte : pipi, malaises, pipi, listes mentales, pipi, etc. Puis, dès que mes hommes quittent la maison, la journée du diable commence.

Malêtre physique d’abord : j’ai faim mais la bouche râpeuse et l’oesophage en feu. J’ai mangé du thai zone pour déjeuner, des pâtes à rien pour dîner et de la salade de fruits en canne, miam. Bouffe de lendemain de brosse. J’ai soif mais je ne supporte plus la sensation de l’eau dans ma bouche. J’ai envie de boire le «dernier cidre» de mon chum, mais ce serait pas fin.

Je suis chanceuse tout de même, j’ai les jambes qui picotent un peu, c’est vrai, mais je vais enfourcher mon vélo tantôt pour aller chercher junior, pas de stress. Ma forme physique est exceptionnelle. J’halète en remontant la côte, c’est sûr, mais en partie parce que je m’entête à porter mon Kanuk au dégel. Chu ben, au soleil avec mon Kanuk.

C’est l’épreuve mentale du lundi de satan qui est la plus raide. C’est la journée où je m’imagine engloutir les épisodes de Gilmour Girls en pédalant dans la cave, entre deux brassées de lavage. Mais où je me déplace difficilement entre mon lit, le divan du salon et le divan de la cave. Je suis tannée de jouer au Boggle, à Trivial Pursuit, j’ai un record de pas d’allure à Jewels. J’ai lu tous mes livres de bibliothèque, les vieilles revues qui trainent dans ma tablette, le Devoir, la Presse+, la Tribune. Je connais mon fil Facebook par cœur. Je suis salement déprimée.

Je m’extirpe au dehors, vêtue de mon Kanuk, m’installe sur le perron sale, observe les sherbrookois mal se stationner, reluque un peu la peinture écaillée de la maison qui manque un peu d’amour et écris ce petit billet au soleil, même si j’ai pas mis de crème solaire. Je te promets que je vais écrire aussi quand j’irai mieux, quand les endorphines auront kické in.

Bientôt le bistouri

Dans mon dernier billet, j’affirmais être une ménagère. Plusieurs d’entre vous m’ont imaginée à quatre pattes en train de frotter mes parquets, preuve que j’ai été chiche sur les adjectifs : on aurait dû lire ménagère téléphage ou encore ménagère boulimique. Je mange du chocolat comme jamais, sous prétexte que la chimio pourrait bientôt m’enlever mes capacités gustatives et j’abuse de Netflix comme il n’est pas permis.

Bref, il y a des coins de poussière dans les escaliers, les planchers sont limite collants et j’ai peur quand mon fils échappe sa brosse à dents dans le lavabos. Si on ne vivait pas déjà légèrement au-dessus de nos moyens et que la tante Gisèle n’était pas si vieille, j’aurais une femme de ménage.

J’ai récemment fait un effort de guerre et fais le ménage dans certains papiers. Je suis tombée sur mes relevés de notes de l’université pour redécouvrir deux faits amusants. D’abord que la prof de rédaction était salement sévère parce que contrairement à mes lecteurs, elle ne me trouvait pas bonne pantoute, parmi des ingénieurs, faut le faire… Ensuite que j’aurais dû changer de branche, rushant comme c’est pas permis en chimie et excellant en informatique.

Tel était le thème de ma semaine au CAP jeunesse : l’informatique. Alors aucun preneur pour la grosse 50, je vais plutôt aller boire un jus vert avec Joëlle, qui proposait les sciences. Après ce camp de jour, ma cousine Julie (qui l’avait suivi une autre semaine) et moi on s’est mises à programmer sur son VIC 20, que de souvenirs!

De retour dans la réalité, j’ai insulté un résident aujourd’hui en affirmant que la médecine n’était pas une science, étant hautement aléatoire… Il était gentil pourtant, son seul défaut étant de ne pas connaître Patrick Nicol.

J’en connais maintenant un peu plus sur mon sort chirurgical. Je vais d’abord passer des examens permettant de constater l’efficacité de la chimiothérapie et de savoir si mes ganglions sont encore potentiellement porteurs de cancer. Il appert que ces petits coquins se sont montrés «sans cancer» à la biopsie et «avec cancer» au TEP-scan.

Après les examens, j’aurai à choisir avec la chirurgienne entre échantillonner un ganglion sentinelle pour qu’un pathologiste l’examine attentivement et enlever tous les ganglions. La première option entraîne un risque d’avoir à faire une deuxième chirurgie tandis que la deuxième augmente les risques d’avoir le bras enflé (évidemment, il y a un nom médical, ne soyez pas surpris que je n’aie rien retenu).

Quant à la tumeur elle-même, on peut déjà conclure qu’elle a assez réduit pour l’enlever sans faire de mastectomie totale. Par contre, étant donné la petite taille de mes seins, ça laisserait un sein pas mal difforme. La reconstruction en même temps que l’ablation n’est pas envisageable puisque j’aurai à subir des traitements de radiothérapie.

Je comprendrai un peu plus les options et enjeux à mon prochain rendez-vous dans trois semaines, en attendant, c’est ma dernière chimio demain, yé!

Féminité

L’autre soir, je suis allée voir Fabien Cloutier boire une bière-clamato avec Dominic Tardif. Non que je sois une groupie finie ou que j’aspire à intégrer la clique culturelle de Sherby. Plutôt que je m’ennuie à mourir et que j’essaie de sortir de chez moi un peu. Deux cinq à sept en quatre jours, je ne me peux plus! Avant de partir, j’ai laissé un Osso bucco dans le four et un gâteau aux carottes, question que mes hommes ne meurent pas de faim.

Je suis une ménagère. Ça amuse mon chum abondamment, moi, ça me déprime. Je ne peux pas croire que dans un passé pas si lointain, c’était le destin des femmes, à moins d’entrer en religion, que de passer leurs journées à faire des tâches ménagères et à bichonner leurs hommes. (Je les adore, mes hommes, en passant.)

C’est à pareille date l’an dernier que je me dotais du nom de domaine le plus réducteur de tous les temps : «la blonde de» en pleine journée internationale de la femme, bravo! J’aurais pu faire pire vous direz, comme être nommée ministre de la condition féminine et affirmer ne pas être féministe! Si vous voulez mon avis, il y a un(e) conseiller(ère) en communication qui devrait perdre sa job!

Toujours est-il que je suis tout sauf «la blonde de» (en temps normal, s’entend) mais que si on me demandait à brûle pour point si je suis féministe, je répondrais probablement que non, ce qui est absurde étant donné que j’exerce un métier non traditionnel, entre autres. Ma théorie à cinq cennes? Évidemment, comme les ministres, par ignorance. Mais aussi sans doute parce que je confond féminisme et féminité.

Rassurez-vous, je ne suis pas en train de vous annoncer que je suis trans, au contraire. Mais il reste que mon amour des jupes et des boucles d’oreille est très récent et que je ne niaisais pas quand je disais que moi pis le maquillage c’est vraiment pas au point. Si je n’avais jamais vécu l’allaitement et l’augmentation mammaire qui vient avec, je n’aurais probablement pas développé d’attachement à ma poitrine non plus.

Dans les prochains jours, j’aurai une date pour la chirurgie. Je saurai aussi l’ampleur de l’affaire. Mastectomie? Partielle? Totale? Double? Je suis complètement paniquée. Mon chéri a beau me dire que j’aurai une reconstruction (et augmentation, he wishes) en même temps, google images a tout ruiné…

Sur ce, je retourne à mes tâches ménagères, à ma boulimie et je me prépare pour ma deuxième sortie de vélo de l’année (techniquement, c’est l’hiver, je n’en suis pas peu fière!!). Heureusement, un semblant d’activité physique chasse le cafard de la ménagère.

p.s. Je paye la grosse 50 à la taverne au premier qui devine le thème de ma semaine au CAP jeunesse (photo) 😉

Taxotère-2

À pareille date l’an dernier, Mathieu et moi avons passé une partie de notre fin de semaine d’amoureux à l’urgence, parce qu’on avait soudainement découvert que ma fausse couche était une môle. Puis, on a filé à Montréal pour la fête des guimauves qui s’est allongée dans une Nuit Blanche mémorable. Cette année, on a fait plus simple : nuit blanche à l’urgence.

Il faut dire que quand j’ai raconté à l’oncologue l’épisode des deux thermomètres, il n’a pas beaucoup ri. Alors cette fois, 38°, on habille fiston et on se pointe à l’urgence. Il neige, la ville est tranquille. Mathieu me dépose à l’entrée et va se stationner. La panique s’empare de moi : j’emprunte la mauvaise porte, je constate simultanément l’absence de masque dans le distributeur et la densité d’humain malade dans la salle d’attente.

Les instructions sont plutôt claires : assoyez-vous sur les chaises rouges pour le triage. Une dame occupe trois sièges, je m’assois après elle, sur le bout de ma chaise. Quelques minutes plus tard, des gens arrivent et passent devant nous parce que visiblement, la dame aux trois sièges ne sait pas lire, elle n’attend pas du tout le triage. Je me mets à pleurer. La dame se confond en excuse, me demande mon prénom pour prier pour moi, sans jamais quitter les osties de chaises rouges.

Évidemment, je me sens complètement ridicule de paniquer pour «quelques minutes», surtout que je sais que je vais passer devant tout le monde. Mais je suis hystérique de même, j’imagine les infections nosocomiales roder autour de moi… Bref, mon tour arrive bien assez vite et on me trouve une salle d’isolation : la salle des plâtres.

L’urgence est tranquille, les gens sont zen. Mon infirmier est même un peu trop jovial à mon goût. Quand vient le temps d’utiliser mon port-à-cath, il ne sait pas trop quoi faire et demande l’aide d’une collègue. Ensemble, ils commentent abondamment l’absence de matériel stérile dans le «kit» de prélèvement, ce qui ne calme en rien ma panique en ce qui a trait aux risques d’infection.

Il faut dire que la salle des plâtres n’est pas équipée pour faire des prélèvements sanguins, apparement. On y trouve surtout des bandages, des atèles et des poids. On y passe une partie de la nuit, à dormir comme on peut avec en bruit de fond les lamentations d’un malheureux skieur. Les résultats indiquent que j’ai probablement la grippe, je peux retourner à la maison. Il est cinq heure, je marche à pas de tortue dans le stationnement enneigé. Trop vedge pour penser prendre une photo, vous aurez encore droit à un paysage quelconque!


Petite anecdote cocasse en terminant, j’ai finalement contacté le programme Victoire de la pharmaceutique pour «l’aide aux patients». C’est donc vrai que la compagnie rembourse la balance que l’assureur ne couvre pas, je ne comprends officiellement rien au système capitaliste…

La préposée : «pouvez-vous me dire combien vous avez payé la dernière fois?»

Moi : «870,98 $, madame»

La préposée : «…»

Moi : «Ah mais ça inclut le 5 $ de franchise de mon assureur»

La préposée : «eeee… et puis le coût total du médicament c’est quoi?»

Moi : «2891,59 $, madame»

La préposée : «… ah… eh… ouain, ça fait bien 30%»

Au moins, avec ça, je survis à la grippe.

Synophridie

Aujourd’hui dans l’une de mes quinze parties de Trivial Pursuit j’ai pogné une question dont la réponse était «mono-sourcil»!! Évidemment, je n’ai pas retenu le nom scientifique de cette affliction dont je souffre (j’ai dû travailler un peu pour en faire le titre de mon billet) mais j’ai gagné ma partie, c’est ça qui importe.

Ça m’amène à vous parler de ma pilosité, tant qu’à y être. Mes sourcils poussent. J’ai l’impression que je perds mes cils, mais ça c’est mon teint cadavérique qui fait ça. Mes poils de jambes poussent lentement mais ils poussent, mes poils d’aisselles non. Les quelques cheveux qui me restent poussent aussi, aux dires de mon chum (on est loin du centimètre par mois tsé). Bref, ce n’est pas clair.

Mes ongles sont maganés. Difficile de dire si c’est le vernis que je viens d’enlever parce qu’il ne recouvrait plus que les deux tiers de mes ongles, ou encore le dissolvant. Bref, je vais remettre du vernis question de ne pas les voir. J’ai opté pour le noir, je sais mon look emo/altern/Christiane Charette commence à être christment dépassé, désolée. La vérité c’est que j’ai passé de très longues minutes à tergiverser devant les couleurs, cherchant un vernis opaque pas trop flash. Pis j’ai pris celui à 1,99$.

C’est comme ça, je suis à la fois dépensière et gratteuse, une autre de mes contradictions. Mais le stress financier diminue : Mathieu travaille, on a trouvé quelqu’un pour reprendre le bail de la C-Max et puis ma compagnie d’assurance a accepté de payer 70% du médicament pas couvert par le système. La balance semble être assumé par la compagnie pharmaceutique elle-même, j’aime mieux pas trop m’interroger là-dessus.

Ma dépression aussi est terminée, fiou! Boone croit que c’est le mois de février qui fait ça, j’espère qu’il a raison et que ce n’est pas un effet secondaire de mes traitements… Parce qu’il m’en reste deux et que j’ai pas les nerfs très solides. Deux semaines pour me remettre physiquement, une semaine de santé mentale chambranlante, ça laisse pas beaucoup de temps pour le bonheur.

Il me restait aujourd’hui pour me faire plaisir et comme fiston est malade, je me suis occupée de lui à la place. Abattu par un vilain virus, il a dormi pendant une heure sur mes jambes comme un animal domestique. J’essaie de faire de l’humour là mais ledit virus me terrorise. La garderie est fermée parce que la gardienne est sur le cul depuis une semaine. J’ose à peine imaginer comment je vais «survivre» au virus.

Je ne m’inquièterai pas trop, j’ai toute une équipe de supporters qui allument des lampions virtuels pour moi 🙂

Creux de vague

Cette semaine, j’ai fait une dépression. Du moins, selon ma propre définition de dépression, qui n’a probablement rien à voir avec la vraie maladie, je m’en excuse. Bref, j’ai craqué, pleuré, imploré. Je me suis sentie dépassée.

Il faut dire que j’étais épuisée. D’abord parce que mon nouveau traitement a cet effet écrasant. Ensuite parce que mon chéri a commencé à travailler et que j’ai beaucoup marché pour transporter le petit à la garderie. Quatre aller-retours en trois jours, une quinzaine de kilomètres. En trois jours… Je vous aurait dit en trois heures que j’aurais été une patate… trois jours!!

En plus de la fatigue, mon nouveau traitement a beaucoup compromis ma capacité de m’alimenter correctement. La bouche pâteuse, les papilles en alerte, peu d’aliments ont réussi à entrer. Ajoutez un odorat ultra-sensible et un système digestif en détresse et vous avez une belle idée de l’état d’esprit dans lequel je me trouvais.

Mon amoureux qui me tombe dans la face pour une raison X a été suffisant pour ouvrir le robinet de mon désarroi. Mais exactement comme mon chum qui paniquait en fait pour des raisons Y et Z, ma détresse n’avait pas grand chose à voir avec ma fatigue ou mes malaises physiques. Internet. J’avais osé passer du temps sur le site de la société canadienne du cancer pour m’informer : grosse erreur.

Des tumeurs, des images de mastectomie, des pronostics, des statistiques : autant de sujets déprimants dont je n’avais pas besoin. Certains diront que je vis dans le déni, grand bien leur fasse. Le peu d’information pertinente qui m’a éclairée pèse très peu dans la balance à côté du stress inutile que le reste de l’information m’a apportée. Je préfère demeurer une patiente un peu naïve et mal informée qu’une patiente déprimée.

Fiston s’est fait garder pendant deux jours chez ses grand-parents permettant à son père de se gosser un hackintosh et à sa mère d’écouter beaucoup trop de télé, la crise a passé. Du moins celle-ci.

Taxotère-1

La fin de semaine dernière, j’ai eu le bonheur de passer de temps avec ma préado préférée. «Est-ce qu’on joue au Boggle», qu’elle m’a demandé, comment ne voulez-vous pas qu’elle soit ma préférée? Simone apprend le chinois et le latin. Depuis que le latin est arrivé dans sa vie, elle ne peut s’empêcher de décortiquer les mots. On n’a pas joué au Boggle mais je crois qu’elle m’aurait battue.

Je plonge dans le dictionnaire ce matin, car le mot «taxotère» m’intrigue. C’est le nom de mon nouvel agent chimiothérapique. En fait, je cherche le lien entre taxotère et taxidermie. Va savoir pourquoi, je me sens comme un animal qu’on empaille. Eh bien, les préfixes taxo et taxi signifient bien la même chose : organisation. Mais ils sont grecs et non latins : déception.

Mon nouveau traitement, ce n’est pas de la tarte. Je récupère beaucoup moins bien qu’avec le FEC. Je suis un escargot et j’ai toute une panoplie de malaises désagréables (pléonasme?). J’ai ressorti mon vernis à ongles brillant, cadeau de Noël du Jean Coutu, pour protéger mes ongles mais je me sens franchement ridicule. Tout sauf belle et bien dans ma peau.

J’ai finalement reçu le médicament semi-approuvé (perjeta). Mon assureur a accepté de payer, je ne comprends pas trop comment ça fonctionne et je trouve ça emmerdant d’avoir à transiger avec tous ces humains. Au final, je comprends que certains de mes ganglions «suspects» ne seront pas opérables alors il faut mettre le paquet sur la chimio.

Après avoir visionné la vidéo d’une jeune femme désespérée de Gatineau dont le cancer s’est propagé monstrueusement et à qui on a dit ne plus rien pouvoir faire pour elle, j’ai versé une petite larme. J’ai réalisé que je comprenais plus «la patante» que je pensais et surtout je me suis sentie franchement privilégiée d’être traitée au CHUS. Il faut sans doute avoir été opéré par un gynécologue tremblant de passage à Maniwaki pour comprendre…

Mon moral tient bon malgré tout. L’inquiétude ne prend jamais le dessus sur l’espoir. Je me sens tout de même beaucoup plus vulnérable qu’avant. L’épisode de fièvre que nous avons vécu il y a quelques jours a été particulièrement éprouvant. Si la température corporelle se maintient à 38oC pendant une heure ou si elle atteint 38,3oC, on doit se rendre à l’urgence, disent les instructions.

Imaginez deux ingénieurs, deux thermomètres et des résultats de 37,8oC… J’ai suggéré à mon chum de m’installer un microcontrôleur avec acquisition de données en continu (comme on a dans la douche, pour l’humidité) pour qu’il puisse suivre ma température sur un graphique en direct de son ordi. Il m’a répondu d’aller au CHUS en autobus 🙂