À pareille date l’an dernier, Mathieu et moi avons passé une partie de notre fin de semaine d’amoureux à l’urgence, parce qu’on avait soudainement découvert que ma fausse couche était une môle. Puis, on a filé à Montréal pour la fête des guimauves qui s’est allongée dans une Nuit Blanche mémorable. Cette année, on a fait plus simple : nuit blanche à l’urgence.
Il faut dire que quand j’ai raconté à l’oncologue l’épisode des deux thermomètres, il n’a pas beaucoup ri. Alors cette fois, 38°, on habille fiston et on se pointe à l’urgence. Il neige, la ville est tranquille. Mathieu me dépose à l’entrée et va se stationner. La panique s’empare de moi : j’emprunte la mauvaise porte, je constate simultanément l’absence de masque dans le distributeur et la densité d’humain malade dans la salle d’attente.
Les instructions sont plutôt claires : assoyez-vous sur les chaises rouges pour le triage. Une dame occupe trois sièges, je m’assois après elle, sur le bout de ma chaise. Quelques minutes plus tard, des gens arrivent et passent devant nous parce que visiblement, la dame aux trois sièges ne sait pas lire, elle n’attend pas du tout le triage. Je me mets à pleurer. La dame se confond en excuse, me demande mon prénom pour prier pour moi, sans jamais quitter les osties de chaises rouges.
Évidemment, je me sens complètement ridicule de paniquer pour «quelques minutes», surtout que je sais que je vais passer devant tout le monde. Mais je suis hystérique de même, j’imagine les infections nosocomiales roder autour de moi… Bref, mon tour arrive bien assez vite et on me trouve une salle d’isolation : la salle des plâtres.
L’urgence est tranquille, les gens sont zen. Mon infirmier est même un peu trop jovial à mon goût. Quand vient le temps d’utiliser mon port-à-cath, il ne sait pas trop quoi faire et demande l’aide d’une collègue. Ensemble, ils commentent abondamment l’absence de matériel stérile dans le «kit» de prélèvement, ce qui ne calme en rien ma panique en ce qui a trait aux risques d’infection.
Il faut dire que la salle des plâtres n’est pas équipée pour faire des prélèvements sanguins, apparement. On y trouve surtout des bandages, des atèles et des poids. On y passe une partie de la nuit, à dormir comme on peut avec en bruit de fond les lamentations d’un malheureux skieur. Les résultats indiquent que j’ai probablement la grippe, je peux retourner à la maison. Il est cinq heure, je marche à pas de tortue dans le stationnement enneigé. Trop vedge pour penser prendre une photo, vous aurez encore droit à un paysage quelconque!
Petite anecdote cocasse en terminant, j’ai finalement contacté le programme Victoire de la pharmaceutique pour «l’aide aux patients». C’est donc vrai que la compagnie rembourse la balance que l’assureur ne couvre pas, je ne comprends officiellement rien au système capitaliste…
La préposée : «pouvez-vous me dire combien vous avez payé la dernière fois?»
Moi : «870,98 $, madame»
La préposée : «…»
Moi : «Ah mais ça inclut le 5 $ de franchise de mon assureur»
La préposée : «eeee… et puis le coût total du médicament c’est quoi?»
Moi : «2891,59 $, madame»
La préposée : «… ah… eh… ouain, ça fait bien 30%»
Au moins, avec ça, je survis à la grippe.